22 Février 2017

7 planètes autour de Trappist-1

La NASA vient d’annoncer la découverte de 7 planètes autour de l’étoile Trappist-1. De taille terrestre et de température modérée, au moins 3 d’entre elles sont situées dans la zone d’habitabilité de cette étoile. Enquête auprès des spécialistes.
Franck Selsis, vous avez participé à la publication de cet article dans la revue Nature, qu'est-ce que la zone d'habitabilité d'une étoile ?

Franck Selsis : Supposons qu'une planète possède de l'eau. Si cette planète reçoit trop d'énergie de son étoile, cette eau ne pourra pas exister sous forme liquide et sera vaporisée. Si elle reçoit trop peu d'énergie, l'eau ne pourra exister à la surface de cette planète que sous forme de glace. Ces deux limites définissent pour chaque étoile les bords d'une zone dite habitable où l'eau liquide est possible à la surface. Pour le Soleil la zone habitable commence entre Vénus et la Terre et se termine un peu au-delà de l'orbite de Mars.

Le terme de zone habitable a été donné dans les années 70-80 et conservé pour son caractère historique mais est inadéquat pour plusieurs raisons. Tout d'abord, une planète qui se trouve dans la zone habitable ne possède pas forcément de l'eau liquide à sa surface. C'est le cas de Mars. Etre dans la zone habitable est une condition nécessaire mais pas suffisante pour que l'eau liquide soit présente en surface. Il faut aussi bien sûr de l'eau, mais aussi et entre autres choses une atmosphère suffisamment épaisse, une gravité suffisante pour que l'eau et cette atmosphère ne s'échappent pas et une activité géologique capable de renouveler l'atmosphère.

Par ailleurs l'eau liquide peut exister sous la surface d'une planète se situant au-delà du bord externe de la zone habitable. C'est ainsi que nous pensons trouver des océans sous la surface glacée d'Europa, satellite de Jupiter. Enfin, si la présence d'une forme de vie nécessite très certainement de l'eau liquide, nous ignorons encore la liste minimale des ingrédients dont elle a besoin pour émerger et perdurer. A nouveau, l'eau liquide est une condition nécessaire loin d'être suffisante.

Franck Selsis, astrophysicien au Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux. Crédits : Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux).

Jusqu'à 3 planètes ont été détectées simultanément devant le disque de l'étoile Trappist-1. Crédits : Franck Selsis, Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux).

Pourquoi les exoplanètes que l'on trouve dans la zone habitable de ces étoiles nous intéressent tant ?

FS : Si la zone habitable (où l'eau liquide est possible à la surface d'une planète) revêt autant d'importance c'est qu'il s'agit de la zone privilégiée où rechercher des exoplanètes qui pourrait montrer des signatures attentant d’une activité biologique. En effet, pour trouver une forme de vie sous la surface d'une planète il faut s'y rendre, creuser et analyser. On peut l'envisager dans le système solaire mais, actuellement, pas dans le cas d'exoplanètes.

Avec de l'eau liquide en surface, une forme de vie utiliserait en même temps l'eau et le rayonnement de l'étoile, source d'énergie incomparable. Ainsi, sur Terre, même si de nombreux organismes vivent sous la surface sans lumière, ce sont ceux qui pratiquent la photosynthèse qui ont profondément modifié l'environnement de notre planète. En captant 0,1% du flux lumineux qui atteint la surface de la Terre et en le transformant en énergie chimique, les organismes photosynthétiques maintiennent depuis 2,5 milliards d'années une atmosphère riche en oxygène.

Sur les planètes qui ne sont pas dans la zone habitable, il ne semble pas envisageable de pouvoir détecter une activité biologique qui serait confinée sous la surface et n'utiliserait que le flux de chaleur interne. Par contre, dans cette zone dite habitable, une forme de vie pourrait générer une anomalie dans la composition de l'atmosphère que nous pourrions déceler avec nos observatoires astronomiques.

Quel a été votre rôle dans la découverte de ces nouvelles exoplanètes ?

FS : Il faut savoir que 3 planètes de taille terrestre (Trappist-1b, c et d) ont été identifiées depuis début 2016 grâce aux observations du télescope Trappist de l’ESO et du télescope spatial Spitzer de la NASA par la méthode des transits (une baisse de luminosité de l’étoile causée par le passage de planètes devant l’étoile). L’amplitude de ces transits permet de déterminer le rayon des planètes tandis que leur périodicité indique leur distance orbitale et donc leur insolation.

Depuis ces 1eres détections, ce système a fait l'objet d'un suivi systématique pour y chercher d'éventuelles autres planètes. Différents laboratoires français ont participé à ce suivi : le Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux), le Laboratoire de Météorologie Dynamique (CNRS/UPMC/École polytechnique/ENS) et le Laboratoire Astrophysique, Instrumentation et Modélisation (CNRS/CEA/Université Paris Diderot).

Vue d'artiste du télescope spatial Spitzer.
Crédits : NASA/JPL-Caltec.

Qu'avez-vous découvert ?

FS : Le résultat de ce suivi dépasse toutes les attentes : Trappist-1 possède au moins 7 planètes, toutes de taille similaire à celle de la Terre (à plus ou moins 15 %). Les 6 planètes les plus proches (b à g) tournent autour de leur étoile en 1,5 à 12 jours (la période de la septième reste à déterminer), ce qui les place 20 à 90 fois plus près de leur étoile que la Terre ne l’est du Soleil. À ces distances, les forces de marée exercées par l’étoile sont considérables et imposent aux planètes une rotation dite synchrone, c’est-à-dire que les planètes font exactement un tour sur elles-mêmes en une orbite, montrant ainsi toujours la même face à leur étoile (comme la Lune par rapport à la Terre).

Les planètes de Trappist-1

Le système planétaire autour de Trappist-1. Les tailles des objets sont à l'échelle, mais les distances sont réduites d'un facteur 10. La couleur de l'étoile est réaliste. La zone bleutée indique la région où la présence d’eau liquide est possible en surface des planètes. La zone en grisé indique la gamme possible de distances orbitales pour la planète h © Franck Selsis, Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux).

Les planètes de Trappist-1 ont des températures moyennes, proches de celles de la Terre : la plus interne (b) a une insolation légèrement supérieure à celle de Mercure tandis que les plus externes (g et h) ont une insolation un peu plus faible que celle de Mars.

Au moins 3 des planètes (e, f et g) ont des insolations compatibles avec l'existence d'eau liquide en surface pour une large gamme de compositions atmosphériques, comme le montrent des simulations numériques de leur climat.

Sur les planètes plus ensoleillées (b, c, d), et grâce à la rotation synchrone, la présence d’eau liquide n’est pas strictement impossible dans des zones tempérées pas ou peu éclairées.

Michel Viso

Habitables ou habitées ?

Michel Viso, vous êtes responsable de la thématique exobiologie au CNES, pouvez-vous préciser ce qu'on entend par habitabilité ?

La notion d'habitabilité est définie comme « la possibilité d'accueillir la vie », une forme de vie extrapolée de la seule forme de vie que l’on connaisse : la vie sur Terre. Des lieux sont dits « habitables », quand ils portent des traces d'éléments qui se retrouvent dans des organismes vivant sur Terre ou qu'ils abritent un milieu qui serait compatible avec la vie.

On sait en effet que la vie sur Terre est faite à partir de quatre éléments chimiques essentiels :
•    le carbone (C),
•    l'hydrogène (H),
•    l'oxygène (O),
•    l'azote (N), très répandus dans l'univers.

Mais il faut aussi de l'eau et un apport d'énergie, par exemple le Soleil qui provoque la photosynthèse utilisée par les plantes pour leur croissance. A chaque fois que l'on décèle l'un de ces éléments, à commencer par de l'eau, on se dit donc qu'il y a une chance de trouver la vie. Mais on sait aussi que tous ces éléments – carbone, eau, énergie –, doivent être présents, ensemble. C’est pourquoi il ne faut pas confondre habitable et habité !

Les résultats obtenus dans ce système planétaire peuvent-ils mener à d'autres recherches ?

FS : Les orbites des planètes de Trappist-1 sont en résonance les unes avec les autres : lorsque la planète g accomplit une révolution autour de son étoile, les planètes b, c, d, e et f en ont fait respectivement 8, 5, 3, 2 et 4/3. Cette architecture très particulière est prédite pour des planètes ayant migré vers leur étoile dans le disque de gaz et de poussière au sein duquel elles se sont formées. Ces résonances favorisent les rapprochements entre planètes et leurs interactions gravitationnelles. Pour cette raison, les transits ne se succèdent pas de façon parfaitement périodique mais se produisent avec des avances ou des retards parfois de plus d'une heure. Cet effet permet de contraindre les masses, dont la détermination est encore peu précise, et donc les densités de ces planètes. Les données actuelles semblent indiquer que certaines des planètes de Trappist-1 ont des densités faibles et sont riches en eau, une conclusion à affiner grâce au suivi observationnel en cours.

Par bien des aspects, le cortège des planètes de Trappist-1 rappelle les systèmes de satellites gravitant autour de Jupiter et des autres planètes géantes du Système solaire, indiquant peut-être des mécanismes de formation similaires. La très petite taille de l’étoile Trappist-1 (seulement 12 fois le rayon de la Terre) et sa faible luminosité (0,05% de celle du Soleil) offrent des conditions d’observation exceptionnelles de ses planètes. Grâce au futur télescope spatial James Webb de la NASA et de l’ESA qui sera lancé l'an prochain,  il sera possible de mettre en évidence d’éventuelles atmosphères et de caractériser certaines de leurs propriétés. Avec Proxima b, découverte en août dernier, les planètes de Trappist-1 constituent les cibles les plus prometteuses à ce jour pour chercher à distance de possibles traces de vie hors du Système solaire.

REFERENCES DE LA PUBLICATION

Michaël Gillon et al, Seven temperate terrestrial planets around the nearby ultracool dwarf star TRAPPIST-1, Nature, le 23 février 2017.

CONTACTS

  • Chercheur CNRS, Franck Selsis, franck.selsis at u-bordeaux.fr
  • Responsable de la thématique Exobiologie au CNES, Michel Viso, michel.viso at cnes.fr