16 Septembre 2019

Aérosols et nuages : pluie de données françaises sur la Namibie

Initiée par la France, une vaste campagne appelée AEROCLO-sA s’est tenue en Namibie en 2017 pour caractériser aérosols et nuages. Elle a rapporté des données d'une grande diversité présentées en juillet 2019 dans The Bulletin of the American Meteorological Society. Soutenue par le CNES, cette campagne prépare aussi 4 missions spatiales : IASI-NG, 3MI, EarthCare et Mescal.

De quelle manière, les aérosols influent-ils sur le bilan radiatif ? 

Cette question était au centre de la campagne de mesure réalisée du 22 août au 12 septembre 2017 en Namibie par un consortium de laboratoires internationaux. Appelée AEROCLO-sA pour AErosol RadiatiOn and CLOuds in southern Africa, cette campagne sous coordination française a mobilisé :

  • l’avion de recherche Falcon 20 de l’unité mixte de service SAFIRE (CNRS, CNES, Météo-France) durant 30 h de vol,
  • la plateforme mobile sol PEGASUS du LISA (CNRS, Université Paris Est Créteil, Université de Paris) sur 500 h de mesures.

Un « océan » de particules de feux et des nuages vers 6 km d’altitude sont visibles sur cette photo prise le 05/09/2017 depuis le Falcon 20. Crédits : CNRS / DT-INSU.

POurquoi la namibie ?

bpc_namibie_nasa.jpg

Crédits : Nasa, Eosdis.

La Namibie est un laboratoire naturel unique pour étudier les interactions aérosols-radiations. On y trouve toute la gamme des aérosols : marins, désertiques, issus de feux de brousse, d’activités industrielles dont le transport commercial par bateau,… Cette région est aussi caractérisée par la présence quasi-permanente de stratocumulus marins. Ces nuages très fins et de basse altitude sont très réfléchissants et renvoient les rayonnements vers l’espace par effet parasol. Mais la présence de particules solides au-dessus d’eux peut changer totalement le bilan radiatif avec au final un effet de serre

« Ces perturbations des systèmes radiatifs par les aérosols ont un impact significatif sur le climat régional mais aussi global en influençant la position de la zone de convergence intertropicale et donc potentiellement les moussons en Afrique et en Asie » indique Paola Formenti, chercheuse au LISA et coordinatrice du projet AEROCLO-sA.

« L’Afrique australe est une région pour laquelle les projections climatiques à l’horizon 2100 divergent de manière très importante. Ces divergences sont principalement liées au manque de connaissances sur les interactions entre aérosols et nuages, et leur impact sur le bilan radiatif » ajoute Pierre Tabary, thématicien atmosphère et climat au CNES. 

Des données originales et diverses

Présentées en juillet 2019 dans la revue BAMS, les données d'AEROCLO-sA sont novatrices avec notamment :

  • les 1ères observations combinées de télédétection active (envoi d'impulsions lasers par des Lidars) et passive (photomètres et radiomètres) de stratocumulus, poussières minérales et aérosols de feux de brousse au-dessus de la terre,
  • des mesures multispectrales, multidirectionnelles et polarisées d'aérosols et nuages,
  • de nouvelles données des propriétés hygroscopiques des aérosols, en particulier la capacité des aérosols marins à former de nouveaux noyaux de condensation de nuages,
  • des caractéristiques microphysiques du brouillard côtier. 

 

bpc_profil_aerosols_aeroclo.jpg

Profils atmosphériques réalisés lors du vol du 05/09/2017 par un Lidar. Ces données sont en cours d'intégration dans ds modèles climatiques régionaux et des modèles prévisionnels de transport de poussières. Crédits :  C. Flamant, Latmos/IPSL.

Les données d'AEROCLO-sA ont été intégrées dans le modèle climatique régional Aladin-Climat. Ces recherches se poursuivent. Crédits : M. Mallet (CNRS, MétéoFrance / CNRM).

Préparer les missions spatiales de demain

La campagne AEROCLO-sA prépare l’exploitation des données du satellite météorologique européen Metop-SG qui emportera, entre autre, l'instrument IASI-NG, successeur d'IASI actuellement en orbite sur Metop, lors d'un lancement prévu en 2022. « Au LISA, nous sommes en train de travailler sur des nouveaux produits aérosols à partir des observations d'IASI au cours d'AEROCLO-sA » indique Paola Formenti. 

Outre IASI-NG, Metop-SG embarquera 3MI, un polarimètre hérité de l'instrument Polder développé par le CNES et présent à bord du satellite français Parasol de 2005 à 2013. « Une maquette de 3MI développé par le Laboratoire d'optique atmosphérique de Lille a volé à bord du Falcon 20 lors d’AEROCLO-sA. Les données récoltées vont permettre de finaliser les chaînes de traitements et d’étudier le développement de nouveaux produits sur les nuages et les aérosols  » complète Pierre Tabary. 

AEROCLO-sA contribue aussi à la préparation de 2 missions Lidar nuages-aérosols qui succèderont à Calipso :

  • EarthCare de l'ESA dont le lancement est prévu en 2021-2022,
  • Mescal, un projet CNES-NASA (lancement : 2027-2028).

Vu d'artiste du satellite Metop-SG. Crédits : Eumetsat.

CONTACTS

  • Paola Formenti, directrice de recherche CNRS au LISA / paola.formenti at lisa.u-pec.fr 
  • Pierre Tabary, thématicien atmosphère et climat au CNES / pierre.tabary at cnes.fr

 

Référence bibliographique

The aerosols, radiation and clouds in Southern Africa field campaign in Namibia: overview, illustrative observations, and way forward. P. Formenti et al. Bull. Amer. Meteor. Soc. (2019), 100, 1277–1298.