6 Juin 2016

Des orbites plus précises pour mieux mesurer le niveau des océans

Alexandre Couhert, salarié du CNES, en collaboration avec ses pairs sur le plan international, a récemment publié un article qui dresse le bilan des performances actuelles de la détermination des orbites des satellites d’altimétrie et identifie des pistes d’amélioration pour satisfaire au besoin d’une meilleure connaissance des variations du niveau des mers aux échelles régionales.

Contrairement à ce qu’on l’on pense généralement, l’océan ne présente pas une surface homogène et son niveau n’est pas stable. Il peut se dilater globalement sous l’action du réchauffement climatique ou de la fonte des glaciers, par exemple, mais il peut également varier localement en fonction de la saison, de ses interactions avec l’atmosphère (comme le phénomène El Niño dans le Pacifique) ou de ses variations propres, courants et tourbillons.

Pour les scientifiques, il est extrêmement important de connaître avec précision le niveau des océans pour étudier en particulier la manière dont le système climatique s’adapte au réchauffement global ou pour développer des modèles pour prédire les changements futurs. C’est notamment le rôle du Service d'Altimétrie et Localisation Précise (SALP) qui exploite les données d’altimétrie pour en améliorer le traitement.

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Située à l'orée du delta du Gange en Inde, l'île de Ghoramara est menacée par l'élévation du niveau de la mer provoquée par le réchauffement climatique. L'île devrait être entièrement submergée d'ici vingt-cinq ans. Crédits : Daesung Lee/Libération

Les satellites d’altimétrie, Jason 1, 2 et 3, par exemple, envoient deux types de mesures : les mesures du radar altimètre et les mesures d’orbitographie précise. L'altimètre mesure la distance entre le satellite et la surface de la mer. Les équipements d'orbitographie embarqués à bord de ces mêmes satellites (GPS, DORIS, SLR) permettent de positionner précisément le satellite dans un référentiel terrestre après traitement de leurs données au sol ; on en déduit l’altitude du satellite, qui correspond à la composante radiale de la position. La différence entre l’altitude et la mesure radar altimétrie donne le niveau de la mer.

Des années de travaux conjoints de l’équipe d’orbitographie précise du CNES et de toute la communauté internationale réunie au sein de l'OSTST (Ocean Surface Topography Science Team), ont permis d’améliorer la précision radiale des orbites des satellites d’altimétrie (de plusieurs cm dans les années 90 à quelques mm aujourd’hui).

« Cette précision des mesures d’orbitographie permet d’observer l’évolution à long terme de la hauteur globale des océans avec une précision de l’ordre de 0,4 mm/an, et la contribution de l’orbitographie à cette incertitude sur la dérive de la hauteur des océans à l’échelle du globe se limite à 0,1 mm/an » précise Jean-Louis Dulot, chef du service Orbitographie au CNES.

Cependant, pour étudier la distribution régionale du changement du niveau de l’océan, les scientifiques ont besoin d’une stabilité long terme de la précision des orbites meilleure que 1 mm/an à l’échelle régionale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui pour toutes les missions d’altimétrie.

Alexandre Couhert et les co-auteurs de l’article ont examiné les erreurs d’orbites radiales résiduelles des satellites Jason-1 et Jason-2 et identifié les principaux facteurs d’instabilité de ces erreurs. « Les méthodes proposées pour améliorer la stabilité long terme des erreurs devraient permettre de descendre au-dessous de l’objectif de 1 mm/an aux échelles régionales » conclut Alexandre Couhert, expert au sein du service Orbitographie.

C’est l’objectif fixé par les scientifiques pour un meilleur suivi de la structure des mers et des océans et de leur dynamique.

Pour cette publication, Alexandre Couhert, a reçu de la part du COSPAR le Prix Outstanding Paper Award for Young Scientists qui récompense les jeunes auteurs de moins de 31 ans pour les meilleurs articles publiés dans le journal Advances in Space Research. Ce prix couronne les efforts de toute l’équipe « orbite précise » du CNES et sa collaboration avec la communauté internationale travaillant dans ce domaine. Il sera remis le mardi 2 août 2016, à l’occasion de la 41ème Assemblée Scientifique du COSPAR, qui se déroulera à Istanbul.

REFERENCES DE LA PUBLICATION

Alexandre Couhert1, Luca Cerri1, Jean-François Legeais2, Michael Ablain2, Nikita P. Zelensky3,4 ,Bruce J. Haines5, Frank G. Lemoine4, William I. Bertiger5, Shailen D. Desai5, Michiel Otten6 (2015),Towards the 1 mm/y stability of the radial orbit error at regional scales, Advances in Space Research, Volume 55, Issue 1, Pages 2-23.   
doi:10.1016/j.asr.2014.06.041

1 Centre National d’Etudes Spatiales, Toulouse, France
2 CLS, Ramonville Saint-Agne, France
3 SGT-Inc., Greenbelt, MD, United States
4 NASA Goddard Space Flight Center, Greenbelt, MD, United States
5 Jet Propulsion Laboratory, Pasadena, CA, United States
6 ESA European Space Operations Centre, Darmstadt, Germany

CONTACTS

  • Responsable du programme océanographie : Philippe Escudier philippe.escudier at cnes.fr
  • Expert orbite précise, Alexandre Couhert alexandre.couhert at cnes.fr

VOIR AUSSI

Site du 41ème COSPAR