6 Février 2018

Détecter les séismes depuis le ciel, ça devient possible

La détection des séismes prend une nouvelle dimension : il devient possible de détecter les ondes sismiques en observant les vibrations qu'elles provoquent dans la haute atmosphère. C’est ce qu’a réussi à prouver une étude de l’IPGP (Institut de Physique du Globe de Paris), publiée dans Nature Scientific Reports, avec d’importantes perspectives en sismologie et en planétologie.

Se servir de l’atmosphère comme d’un miroir pour détecter les séismes, c’est l’idée de l’équipe de Giovanni Occhipinti et deux étudiants en thèse de l’IPGP, avec Jean-Philippe Molinie (ONERA) et Thomas Farges (CEA). Pour transformer les radars en sismomètres, ils ont pensé à se servir des propriétés de l’ionosphère, située au-delà de 80km d’altitude.

Concrètement, lorsqu’une onde sismique émise en profondeur atteint la surface de notre planète, elle provoque une déformation (une onde de Rayleigh). Cette vibration de la croûte terrestre crée une onde infrason qui se propage dans toutes les directions dans l’atmosphère : en atteignant les 80km d’altitude, elle crée de fortes variations dans la vitesse et la densité des particules ionisées (ions et d’électrons) de l’ionosphère. Or ces particules ont la particularité de renvoyer, de réfléchir les ondes radio vers le sol : en émettant vers la ionosphère, les radars peuvent ainsi suivre la propagation de l’onde sonore, la signature de l’onde de Rayleigh, et en déduire l’intensité du séisme qui l’a produite.

st_magnitude_ionosphere.jpg

Légende : l’onde de Rayleigh (R) et sa signature dans l’atmosphère (R atmo), détectées au sol par les sismomètres en rouge, et dans l’ionosphère par radars trans-horizon (OTH pour « Over the horizon ») et Doppler, en bleu.

Les auteurs ont ainsi étudié 38 événements, et ont réussi à établir un lien entre la magnitude des séismes avec les sismomètres au sol, et l’intensité de l’onde dans l’ionosphère. La fiabilité de ces données s’est même avérée indépendante des conditions météorologiques de l’ionosphère (période de l’année et ensoleillement) et des caractéristiques du séisme (profondeur et distance de l’épicentre). Ce qui en fait une source fiable qui ouvre d’intéressantes perspectives pour la sismologie.

Cette nouvelle méthode augmenterait d’abord la couverture des zones les moins accessibles depuis le sol, et améliorerait l’alerte tsunami. L’IPGP propose avec le soutien du CNES des idées de satellites appliquées à ces usages, mais aussi à l’exploration spatiale : l’utilisation de cette méthode sur d’autres corps du système solaire fournirait des informations précieuses sur leur activité sismique et donc leur structure interne à distance depuis une sonde en orbite, sans même avoir de sismographes à leurs surfaces. Un avantage considérable dans le cas de Vénus par exemple, où la température moyenne est de 460°C, et où la pression atmosphérique atteint 90 fois celle de la Terre. Jusqu’à présent, les seules sondes à avoir atteint le sol de Vénus sont celles du programme soviétique Venera, entre les années 60 et 80. Et elles n’ont pas survécu à ces conditions extrêmes plus de 2 heures, ce qui a rendu les mesures sismiques impossibles. Tout du moins jusqu’à aujourd’hui.

Publication

Occhipinti, G., F. Aden-Antoniow, A. Bablet, J.-P. Molinie, T. Farges, Surface waves magnitude estimation from ionospheric signature of Rayleigh waves measured by Doppler sounder and OTH radar, Scientific Report 8, Article number: 1555 (2018)
doi:10.1038/s41598-018-19305-1

Contacts

  • Giovanni Occhipinti
, Institut de Physique du Globe de Paris : ninto at ipgp.fr

  • Mioara Mandea, Responsable du programme « Terre solide » au CNES : mioara.mandea at cnes.fr

Autres sites

Voir aussi « connaître la magnitude des seismes en observant l’atmosphère » sur le site de l’IPGP