20 Décembre 2019

La déformation de Mayotte doublement suivie depuis l'Espace

Les images radar des satellites Sentinel-1 ont permis de dresser la carte de déformation de Mayotte suite à la naissance d’un volcan sous-marin à 50 km de ses côtes. Cette déformation est aussi suivie grâce à 6 stations terrestres recevant les signaux des satellites GPS et Galileo. Ces informations aident la communauté scientifique dans la compréhension du phénomène, inédit de mémoire humaine et toujours en cours.

Depuis mai 2018, les îles de Mayotte connaissent une intense activité sismique. Les séismes forment un essaim avec des épicentres regroupés en mer, à l’est de l’île principale. Menée en mai 2019, une campagne océanographique a révélé la naissance d’un volcan sous-marin de 4 km de large et 800 m de haut à 50 km à l’est de Petite-Terre. La remontée de magma au travers de la croûte alimente les coulées de lave sous-marines qui s'épanchent au niveau du jeune volcan et serait à l’origine des séismes et de l'affaissement de l’île repéré par les stations GNSS (Global Navigation Satellite System) et cartographié grâce aux satellites Sentinel-1 du programme européen CopernicusEntre mai 2018 et septembre 2019, Mayotte s’est enfoncée de 15 cm vers le bas et s'est déplacée de 18 cm vers l’Est. 

Le nouveau volcan se trouve à 3 500 m de profondeur, sur une ride volcanique. 

Située dans l’Océan Indien à l’ouest de Madagascar, Mayotte est constituée de 2 îles principales : Grande-Terre, avec la préfecture Mamoudzou, et Petite-Terre.

une deformation suivie avec précision par les stations GNSS 

A Mayotte, 6 stations sont équipées de récepteurs GNSS de qualité géodésique assurant de connaître leur position à quelques mm près :

  • 3 stations appartiennent la société Precision Topo,
  • 2 stations sont exploitées par la société Exagone, 
  • 1 station est déployée par le CNES et l’IGN dans le cadre du réseau Regina. Cette dernière reçoit en plus des signaux envoyés par les satellites GPS, les signaux des satellites européens Galileo.

Grâce à la collecte et l'archivage des données par l'IGN, des chercheurs de l'IPGP ont calculé le déplacement quotidien et continu de ces stations. Les séries temporelles obtenues indiquent un léger ralentissement de la déformation depuis mars 2019. 

bpc_mayotte_gnss.jpg

A gauche : vecteurs représentent les déplacements horizontaux mesurés par les 6 stations GNSS entre mi-2018 et mi-2019. A droite : séries temporelles. 

La constellation Galileo est en orbite à 23 000 km d'altitude. Crédits : CNES.

Situé sur Petite-Terre, le récepteur de la station MAYG reçoit les signaux envoyés par les satellites Galileo et GPS. Crédits : CNES/IGN.

1ère utilisation scientifique des signaux GALILEO

Des chercheurs de l'équipe de géosphysique et géodésie spatiale du GET de Toulouse ont également traité les données reçues par les  stations GNSS mais en utilisant un algorithme breveté par le CNES appelée PPP-AR (avec PPP pour « Precise Point Positioning»  et AR pour «Ambiguity Resolution »). Leurs résultats sont visibles dans la vidéo ci-contre. « Cette vidéo montre la déformation dans le plan horizontal et selon la direction verticale de Mayotte au travers de vecteurs qui s’allongent au fur et à mesure que les stations se déplacent par rapport à leurs positions d’origine. Pour la station MAYG, ces calculs intégrent des signaux Galileo. A ma connaissance, c'est la 1ère fois que le système Galileo est utilisé dans un objectif scientifique. Cela illustre ses potentialités » indique Félix Perosanz, chercheur CNES au GET.

Une carte de déformation réalisée en un temps record

En parallèle, les données radar des satellites Sentinel-1 générées par l’Agence spatiale européenne (ESA) et diffusées sur le site PEPS du CNES ont permis de dresser la carte des déformations affectant Mayotte à l’aide de la méthode d’interférométrie radar (InSAR). « Le recueil des données en continu — sans besoin de programmation — de ces satellites appartenant au programme européen Copernicus a montré toute sa pertinence » souligne Catherine Proy, cheffe de projet de pôle de données Form@ter dédié à la « Terre Solide » au CNES.

Une cinquantaine d’images radar de Mayotte acquises entre juin 2017 et mai 2019 par Sentinel-1A et Sentinel-1B ont été exploitées dans le cadre d’un partenariat entre l’IPGP, TRE ALTAMIRA et le CNES. Filiale de CLS (Collecte Localisation Satellite), TRE ALTAMIRA a réalisé, sur fonds propres, le traitement InSAR des données radar avec leur algorithme breveté SqueeSAR®

VIDEO S1

Les satellites Sentinel-1 enregistrent avec une très grande précision la distance parcourue par le signal radar entre l’émission et la réception de l’onde. En comparant l’évolution de cette distance entre 2 passages du satellite, la technique InSAR fournit des informations sur les déformations du sol.

bpc_mayotte_insar.jpg

A gauche : vitesse de déplacement du sol projeté dans la ligne de visée des satellites entre mai 2018 et mai 2019. A droite : série temporelle du déplacement du sol (dans la ligne de visée des satellites) pour un groupe de points situés à l'Est de l'île.

 « InSAR et GNSS sont complémentaires, indique Raphaël Grandin, géophysicien à l’IPGP. Le GNSS apporte la résolution temporelle sur la déformation. La technologie InSAR apporte la carte. Elle permet de visualiser la variabilité spatiale du déplacement de milliers de points de mesure. L’île s’enfonce davantage à l’Est qu’à l’Ouest, ce qui est en concordance avec la position du volcan sous-marin. Cette carte va aider à déterminer les caractéristiques de la source de l’activité sismique et volcanique de Mayotte – la 1ère connue depuis des milliers d’années. En particulier la profondeur du stockage de magma et sa distance par rapport à l'île seront des informations cruciales pour échafauder des scénarios d'évolution de l'activité dans les mois et années à venir ».

 Une subsidence de 15 cm, cela ne paraît pas beaucoup mais cela peut poser des problèmes pour les infrastructures situées en bord de mer. C’est en tout cas un phénomène à surveiller. 

CONTACTS

  • Raphaël Grandin, chercheur à l’IPGP / grandin at ipgp.fr

  • Félix Perosanz, chercheur CNES au GET / felix.perosanz at cnes.fr
  • Catherine Proy, cheffe de projet de pôle de données « Terre Solide » au CNES / catherine.proy at cnes.fr