
Retrait d’Expose-R2 par 2 astronautes russes en février 2016. Crédits : ESA/Roscosmos/NASA.
Expose-R2 était la 3e installation de la plateforme Expose de l’Agence spatiale européenne après Expose-E en 2008-2009 et Expose-R en 2009-2011. Installée à l'extérieur de la station spatiale internationale (ISS) durant 16 mois entre 2014 et 2016, elle comportait l’expérience de chimie PSS coordonnée par le LISA et soutenue financièrement par le CNES, le CNRS, ainsi que les universités et organismes partenaires. Revenus sur Terre le 2 mars 2016, les 150 échantillons de PSS ont depuis été comparés aux échantillons restés au sol. Un numéro spécial de la revue Astrobiology, publié en août 2019, présente les 1ers résultats dans 4 articles :
- 1 article sur la thématique des comètes,
- 1 article sur la thématique de Mars,
- 2 articles sur la thématique des biopuces.
Des molécules comètaires a la base de la chimie du vivant ?
Depuis longtemps, on soupçonne les comètes d'avoir ensemencé la Terre de molécules organiques dont une partie a pu participer aux réactions chimiques qui ont conduit à l'apparition de la vie. Mais ces molécules cométaires arrivent-elles intactes sur Terre ? Résistent-elles aux rayonnements cosmiques ? Pour y répondre, une équipe italienne a simulé, en laboratoire, la chimie des glaces cométaires et synthétisé des molécules organiques complexes à partir de mélanges très simples contenant par exemple de l’azote moléculaire (N2), du méthane(CH4) et du monoxyde de carbone (CO). « Grâce à des échantillons de différentes épaisseurs, les chercheurs ont déterminé la cinétique d'évolution de ces molécules organiques face aux rayonnements. Ils ont calculé que des molécules contenant des fonctions imines ou nitriles ne sont pas détruites dans le milieu interplanétaire pendant plus 10 000 ans si elles sont présentes dans des poussières de taille supérieure à quelques dizaines de microns » explique Hervé Cottin, professeur à l’UPEC, chercheur au LISA et coordinateur de PSS. « Une partie de l'azote qui a contribué à l'apparition de la vie a sans doute été apportée sur Terre dans des poussières cométaires qui, après avoir été expulsées du noyau, se sont mises à spiraler autour du Soleil puis sont un jour tombées sur Terre. »

La plateforme Expose-R2 (entourée en vert) à l’extérieur de l’ISS. Crédits : STS-129 Crew, NASA.
Glycine et adénine sont-elles stables à la surface de Mars ?
Le 2e article présente la survie de 3 molécules organiques dans un environnement radiatif caractéristique de la planète Mars :
- la glycine — le plus simple des acides aminés,
- l’adénine — base azotée et 1ère lettre de notre alphabet génétique,
- le chrysène – une molécule organique de la famille des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
Pour simuler l’environnement radiatif martien, les chercheurs emmenés par Fabien Stalport du LISA ont mis un filtre au-dessus des échantillons afin de soustraire les rayons UV les plus nocifs, de longueur d’onde inférieure à 200 nm, qui sont arrêtés par l'atmosphère de Mars (l’atmosphère terrestre filtre les UV jusqu'à 290 nm). Résultats ? « Ni la glycine, ni l’adénine n’ont survécu, et ce même si elles étaient mélangées dans une phase minérale riche en fer typique de Mars. Normalement, les phases minérales protègent la matière organique, c’était d’ailleurs l’une des conclusions de certaines des précédentes campagnes Expose sur l’ISS. Mais là, au lieu de protéger, la présence du minéral a augmenté la dégradation des molécules organiques face au rayonnement solaire, sans doute en activant la capacité d’oxydation du fer. Ces résultats sont importants, ils vont orienter les stratégies de détection de traces de vie lors de futures missions sur Mars, par exemple par l’instrument Moma du rover Rosalind Franklin de la mission ExoMars. Ces résultats indiquent aussi que la matière organique doit être rapidement enfouie sous la surface si l’on veut pouvoir la détecter un jour en profondeur » indique Hervé Cottin.
DEs Biopuces pour détecter la vie extraterrestre ?
Les biopuces sont des éléments miniaturisés constitués d’éléments biologiques capables de détecter des molécules cibles très spécifiques. Elles pourraient un jour traquer la présence de matière organique dans le système solaire. Mais conservent-elles leur capacité d’identification dans l’enfer de l’Espace ? Deux types de biopuces ont été testées à l'extérieur de l'ISS et sont revenues opérationnelles :
- des biopuces à base d'anticorps,
- des biopuces à base d'aptamères, c'est-à-dire de brins d 'ARN.
« Ces résultats sont très encourageants et permettent d’envisager de nouveaux instruments spatiaux reposant sur des biopuces capables d'analyser in situ des matériaux extraterrestres » souligne Gaëlle Coussot, chercheuse à l’IBMM de Montpellier qui a coordonné ce projet avec Michel Dobrijevic, astrophysicien au LAB de l’Université de Bordeaux.
et bientôt EXPOSE-R3 ?
D’autres articles sur l’expérience PSS seront publiés dans les mois à venir. Quant à Expose, aucune suite n’est prévue sur l’ISS. Les prochaines expériences d'exobiologie se tournent vers les cubesats avec une instrumentation embarquée pour mesurer l’évolution des échantillons in situ, en attendant des vols d’échantillons vers la station lunaire Gateway. « Les conditions de rayonnement autour de la Lune sont plus intenses qu’à l’extérieur de l’ISS, encore plus représentatives de l’espace interplanétaire. Les particules les plus énergétiques sont filtrées au-dessus de l’ISS par le champ magnétique terrestre. Avec des expériences sur Gateway, on aurait même l’espoir de voir le retour de nos échantillons sur Terre, ce qui ne sera pas possible avec des cubesats » souligne Hervé Cottin.
RÉFÉRENCES DES ARTICLES
- Photolysis of Cometary Organic Dust Analogs on the EXPOSE-R2 Mission at the International Space Station, Baratta, G.A. et al., Astrobiology, 19(8) / Published Online: 29 Jul 2019
- The Photochemistry on Space Station (PSS) Experiment: Organic Matter under Mars-like Surface UV Radiation Conditions in Low Earth Orbit, Stalport, F. et al., Astrobiology, 19(8) / Published Online: 29 Jul 2019
- Photochemistry on the Space Station—Antibody Resistance to Space Conditions after Exposure Outside the International Space Station, Coussot, G. et al., Astrobiology, 19(8) / Published Online: 29 Jul 2019
- Photochemistry on the Space Station—Aptamer Resistance to Space Conditions: Particles Exposure from Irradiation Facilities and Real Exposure Outside the International Space Station, Coussot, G. et al., Astrobiology, 19(8) / Published Online: 29 Jul 2019
CONTACTS
- Hervé Cottin, chercheur au LISA / herve.cottin at lisa.u-pec.fr
- Gaëlle Coussot, chercheuse à l’IBMM / gaelle.coussot at umontpellier.fr
- Michel Viso, responsable de la thématique exobiologie au CNES / michel.viso at cnes.fr