28 Janvier 2019

Toulouse : 20 volontaires vont tester l'efficacité de brassards de cuisse pour contrer les effets de l’impesanteur

Est-il possible de contrer les effets de l’impesanteur sur la circulation du sang et de la lymphe avec des bandes élastiques portées aux cuisses ? Pour y répondre, des volontaires vont participer à une nouvelle expérience d'immersion sèche à la clinique spatiale de Toulouse, entre le 29 janvier et fin mars 2019.
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Crédits : CNES/GRIMAULT Emmanuel, 2015.

En 2015, une 1ère d’expérience d’immersion sèche s’était déroulée à Toulouse, à la clinique spatiale du MEDES (Institut de médecine et de physiologie spatiales). Durant 3 jours, 12 participants avaient vécu dans une baignoire d’eau tiède tout en étant isolés de l’eau par une grande toile imperméable  — d’où le terme de ''immersion sèche’'. Mis au point par les scientifiques russes, ce système existe uniquement en Russie et en France, qui a acquis 2 bacs en 2014. 

Le modèle d'immersion sèche permet de reproduire très rapidement les effets de l’impesanteur sur les systèmes circulatoire, cardiovasculaire et sensori-moteur.

Les volontaires n’ont plus aucun support sur le sol. L’organisme l'interprète comme une absence complète d’appui, une situation comparable à celle de la microgravité réelle » explique Guillemette Gauquelin, responsable du programme Sciences de la vie au CNES. 

En novembre 2018, une nouvelle expérience d'immersion sèche a débuté à Toulouse avec la participation de 3 volontaires. Elle va se poursuivre du 29 janvier à fin mars 2019 avec l’immersion, à tour de rôle, de 17 sujet masculins âgés de 20 à 45 ans. Cette expérience 2018-2019 intègre 2 nouveautés par rapport aux précédentes : 

  • les participants resteront immergés 5 jours (et non pas 3 jours) ;
  • la moitié des participants porteront, de 8h à 18h, des brassards de type bande de compression au tiers supérieur des cuisses pour créer une pression d'occlusion d'environ 30 mm Hg (valeur comparable à pression liée à la station debout). Objectif : déterminer leur efficacité pour contrer la redistribution des fluides vers la tête et le thorax telle celle observée lors de l’immersion sèche de 2015, mais aussi en impesanteur. 

 

Redistribution des fluides en impesanteur

En absence de gravité, le sang et les liquides interstitiels ne sont pas attirés vers le bas du corps et s’accumulent dans la partie haute.  « Cette redistribution des fluides a des impacts sur le système cardiovasculaire qui devient moins réactif. C’est un peu comme quand on est couché : le système cardiovasculaire est moins sollicité pour envoyer le sang dans le haut du corps. C’est confortable pour le coeur et les vaisseaux, mais il y a un risque de syncope lorsque l’astronaute se retrouve à nouveau dans un environnement avec la sensation de gravité » indique Marc-Antoine Custaud, médecin au CHU d’Angers, responsable d'un des protocoles des expériences 2015 et 2018-2019.

« L’idée des brassards de cuisse est de reproduire l’effet de la gravité et de maintenir une pression sur les veines pour séquestrer le sang au niveau des membres inférieurs — son principe est donc inverse à celui des bas de contention. L’avantage de cette contre-mesure est qu’elle serait facile à mettre en place, sans prendre de temps aux astronautes dont le planning est déjà bien chargé lors de leur séjour dans l’Espace. Mais il faut des arguments avant de l'utiliser de façon plus systématique. » Or, la littérature scientifique est pauvre sur le sujet ou date d’une époque où les moyens d’investigation n’étaient pas aussi perfectionnés qu’aujourd’hui. 

Zoom sur les yeux

Outre le système cardiovasculaire, l'expérience 2018-2019 portera une attention particulière aux systèmes neurologique et ophtalmologique via de multiples mesures par échographie, tomographie, tonométrie, IRM cérébrale, scintigraphie,… « Après un long séjour en impesanteur, certains astronautes reviennent avec des modifications de la forme de l’oeil (aplatissement du globe oculaire) et une petite diminution de l’acuité visuelle de près (hypermétropie). Un petit nombre a aussi présenté des modifications du fond de l’œil (œdème de la papille). Ceci est en rapport avec la migration des liquides de l’organisme vers partie supérieure du corps mais l’origine précise de ces troubles visuels n’est pas bien connue. L’une des hypothèses est qu’il pourrait y avoir une compression des veines qui drainent le sang dans le cerveau et de la résorption du liquide céphalo-rachidien qui entoure le cerveau. D’autres facteurs comme l’anatomie de l’œil, des facteurs génétiques ou le taux de CO2 (qui dilate les vaisseaux) dans la station spatiale internationale pourraient aussi intervenir »  indique Anne Pavy-Le Traon, neurologue au CHU de Toulouse et responsable d'un des 10 protocoles scientifiques de l'étude.

Lors de leur séjour de 12 jours au MEDES (4 jours pré-immersion, 5 jours d’immersion, 3 jours post-immersion), les participants seront soumis à de nombreux autres tests portant sur les muscles, la colonne vertébrale, la cognition, le métabolisme, la flore intestinale ou encore le rythme circadien. Près de 50 personnes sont impliquées dans ce projet de physiologie  intégrative

Position du corps dans un bac à immersion sèche. Crédits : MEDES.

 

Depuis les années 90, les astronautes russes portent, selon leurs besoins, des brassards de cuisse (en anglais ‘braslets’ ou ‘thigh cuffs’). Photo prise en 1992 dans la station MIR. Crédits : CNES/NPO Energia.

  

En impesanteur, le visage des astronautes gonfle en raison de la redistribution des fluides vers le haut du corps. Crédits : NASA.

  

Les participants seront soumis à une batterie de mesures lors de la phase d'immersion. Photo prise lors de l'expérience de 2015. Crédits : CNES/GRIMAULT Emmanuel, 2015

Contacts

  • Marine Bernat, chargée de communication au MEDES, marine.bernat at medes.fr 
  • Marc-Antoine Custaud, médecin au CHU Angers, macustaud at chu-angers.fr
  • Guillemette Gauquelin-Koch, responsable du programme Science de la vie au CNES, guillemette.gauquelinkoch at cnes.fr
  • Anne Pavy-Le Traon, médecin au CHU de Toulouse, à contacter via Marine Bernat : marine.bernat at medes.fr