6 Juin 2012

PICARD et le transit de Vénus de 2012

Venus est passée entre le Soleil et la Terre pendant six heures et demies dans la nuit du 5 au 6 juin 2012.

La partie finale de ce transit n’était visible en Europe que le 6 juin peu de temps après le lever du Soleil (entre 5 H 50 et 6 H 55) avec un Soleil encore très bas sur l’horizon. Pour le satellite Picard, les contraintes liées à la position de l’observateur sur Terre par rapport au Soleil n’existent pas : Picard observe le Soleil en permanence depuis le 15 juin 2010, date de son lancement.

Vénus observée comme une exoplanète

Grâce à cette opportunité rare, les équipes qui travaillent avec Picard, ont observé les hautes couches de l’atmosphère vénusienne. Une excellente occasion également pour tester les modèles de détection de la composition atmosphérique des exoplanètes. En effet, les scientifiques qui essaient de découvrir de nouvelles exoplanètes, procèdent par la méthode dite du transit : lorsqu’une planète passe devant son étoile, cela se traduit par une très légère diminution de l’intensité lumineuse de l’étoile. La lumière de l’étoile, en traversant l’atmosphère de l’exoplanète en garde une trace spectrographique qui témoigne de sa composition. En appliquant la méthode au transit de Vénus devant le Soleil, les scientifiques vont pouvoir étudier les signaux reçus et les comparer aux signaux similaires obtenus pour les exoplanètes : une opportunité pour améliorer les modèles. Une bonne occasion également pour détecter d’éventuels changements de l’atmosphère de Vénus, étudiée notamment, par la sonde européenne Vénus Express en orbite autour de Vénus depuis 2006.

Vénus est probablement l’une des planètes les plus connues de notre système solaire. Elle est la deuxième planète en partant du Soleil. Au fil du temps, les astronomes lui ont trouvé beaucoup de similitudes avec la Terre, par sa taille, sa masse, sa structure atmosphérique et par leurs périodes de formation.

Les premières mesures modernes remontent à Galilée, qui l’observa pour la première fois grâce à sa lunette astronomique. Depuis, les calculs donnés par les lunettes, puis les télescopes et enfin les satellites, ont révélé de nombreuses informations sur Vénus.

Sa période orbitale par exemple est de 224,7 jours. Comme la Terre ou Mars c’est une planète tellurique. Elle possède un champ magnétique faible et n’a aucun satellite naturel. La particularité de Vénus se situe probablement dans sa forme quasi sphérique mais aussi par sa rotation sur elle-même qui est rétrograde, c’est-à-dire dans le sens inverse de celui de la Terre. Enfin, son orbite autour du soleil est la plus circulaire de toutes les planètes du système solaire.

Les orbites et la période de Vénus et de la Terre étant différentes, le Soleil, Vénus et la Terre ne peuvent être alignés que lorsque Vénus traverse le plan de l’écliptique. Ces scénarios se succèdent avec les intervalles de temps suivants : 8 ans, puis 105,5 ans, puis à nouveau 8 ans, puis 121,5 ans et l’on recommence. Cela fournit un cycle de 243 ans.

Lors de ces occasions, Venus occulte ainsi le Soleil sur une toute petite partie du disque solaire pour un observateur situé sur la Terre. On appelle cela le transit. Ce phénomène se produit donc par paires espacées de 8 ans. Pour le cycle présent, le premier passage a eu lieu en juin 2004, le suivant en juin 2012 puis dans les années 2117 et 2125.

Mesurer la distance Terre/Soleil grâce aux transits de Vénus

Johannes Kepler fut le premier à prédire un transit de Vénus en 1631 mais sa prédiction, peu précise, ne permit pas à Gassendi d’observer le phénomène : le transit eut lieu de nuit !... Il fallut attendre, huit ans plus tard en 1639, toujours selon les prédictions de Johannes Kepler, pour avoir les premières réelles observations par Jeremiah Horrocks et William Crabtree.

L’étude du transit de Vénus avait un grand intérêt par le passé, car en utilisant la méthode de la parallaxe établie par Thales, il est possible de déterminer la distance Terre-Soleil et d’obtenir ainsi une valeur considérable de la taille du système solaire. Ce calcul, aussi bien utile en astronomie, en optique ou dans la calibration d’instruments de mesures, se traduit par l’incidence du changement de position de l’observateur sur l’observation d’un objet. En astronomie, la parallaxe est l’angle sous lequel peut être vue depuis un astre une longueur de référence.

En connaissant, la distance séparant deux observateurs du transit situés sur la terre. On peut déterminer l’angle formé par ces deux observateurs et Vénus. Cet angle permet ensuite de déterminer la distance Terre-Soleil grâce à Thales et la 3ème loi de Kepler. En fait, les observateurs voient un minuscule point noir sur le disque solaire que l’on peut assimiler alors à un écran. En reliant les différentes positions successives de Vénus matérialisées par ces points noirs, on obtient deux traces distinctes séparées d’une certaine distance. C’est cette longueur associée à l’angle d’observation qui permet de déterminer la distance entre la Terre et le Soleil.?

C’est le jeune Halley qui anticipera le phénomène, grâce aux prévisions de Kepler et lancera un appel à tous les astronomes de son temps qui auront la chance de vivre le passage de 1761. Malheureusement, pour l’époque, alors en pleine guerre, les résultats seront mitigés et le calcul imprécis. Mais, la réfraction des rayons du Soleil observée par l'astronome russe Lomonossov permit d’affirmer l'existence d’une atmosphère sur la planète. Ce principe de détection appelé «effet de Lomonosov» est encore utilisé de nos jours. (Les passages de 1874 et 1882 quant à eux, donneront une précision nettement supérieure mais encore insuffisante).

Bien sûr, les astronomes de l’époque, ne pouvaient pas imaginer que les hommes du 21eme siècle, grâce à la technologie, posséderaient pour les transits de 2004 et 2012 les outils les plus performants jamais développés par l’homme. Ils ne se doutaient pas non plus, que la distance Terre-Soleil, serait déjà connue. Aujourd’hui, en effet, la parallaxe, est désormais établie avec grande précision. Lors du passage de 2004 son calcul, réalisé par des milliers d’astronomes amateurs, tous reliés par internet, n’avait qu’un but pédagogique. Le satellite télescope américain TRACE put quant à lui photographier avec précision le phénomène de goutte lors du commencement de l’occultation du soleil par Vénus, souvent responsable des erreurs de calcul au 18eme siècle.

Mais le passage de 2012 donne aux scientifiques de nouvelles opportunités d’approfondir notre science des étoiles. Grâce au satellite français Picard dédié à l’observation du Soleil et lancé en 2010, accompagné de son télescope de haute précision SODISM, les scientifiques du CNRS peuvent mettre en application de manière concrète l’efficacité de leur système de détection d’exoplanètes utilisant le principe d’occultation. Ils pourront ainsi calibrer leurs systèmes de mesures déjà opérationnels sur les télescopes terrestres ou les satellites comme Corot. Cette fois, Vénus jouera donc, durant le transit, le rôle d’une exoplanète, c’est-à-dire une planète située dans un autre système solaire que le nôtre.

Cette technique de détection est finalement très simple, les instruments de mesures des télescopes calculent les variations de luminosité de l’étoile observée. Si une planète passe devant l’étoile, les instruments révèlent une baisse d’intensité lumineuse. En utilisant le principe de l’effet Lomonossov et en regardant les variations de cette baisse d’intensité, les scientifiques peuvent déterminer les caractéristiques physiques et atmosphériques de la planète occultant l’étoile.

Le satellite Picard et les informations qu’il fournira, seront surement parmi les dernières mesures les plus précises jamais établies sur ce phénomène rare. Il faudra alors attendre plus de 100 ans avant que les hommes ne puissent à nouveau l’observer.

Ces transits se produisent par paire à huit ans d’intervalle puis disparaissent pendant plus d’un siècle : le prochain passage de Vénus entre le Soleil et la Terre n’aura lieu qu’en 2117 !

Contacts

  • Responsable de la thématique Soleil, héliosphère, magnétosphères : Jean-Yves Prado
  • Responsable de la thématique Système solaire : Francis Rocard

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