16 Avril 2013

15 souris astronautes pour étudier les pathologies humaines

C’est un équipage inhabituel qui s’apprête à décoller du cosmodrome de Baïkonour le vendredi 19 avril.

Dans le cadre d’une expérience de biologie médicale menée en coopération avec la Russie, 15 souris astronautes vont passer un mois en orbite autour de la Terre à bord d’un biosatellite automatique BION n° 1. L’objectif de cette mission est d’étudier les conséquences fonctionnelles d’un voyage spatial, d’une part sur le système cardio-vasculaire (cinq souris impliquées) et, d’autre part, sur les systèmes musculaires et osseux (dix souris impliquées), afin de faire avancer la recherche médicale.

Le système cardio-vasculaire s'adapte à la micropesanteur

Etudier le comportement de souris en micropesanteur doit permettre une meilleure compréhension des mécanismes et des facteurs de diverses pathologies existant sur Terre : chute de la personne âgée, ostéoporose et syndrome métabolique.

Comme pour un vol habité humain, les souris sont placées en quarantaine et un équipage-doublure est prévu jusqu’au moment du lancement. « L’activité des souris candidates, leur consommation de nourriture et d’eau, leur comportement à la roue d’exercice sont surveillés de très près. Le choix final des souris se fera en fonction de ces différents critères » précise Guillemette Gauquelin-Koch, responsable de la thématique Sciences de la Vie en micropesanteur au CNES.

L’objectif du projet Mice Telemetry on Bion (MTB), mené en coopération avec l’Institut des problèmes biomédicaux (IMBP) de Moscou, est de comprendre les mécanismes qui régissent les changements observés dans le système cardio-vasculaire en microgravité. 5 des souris sont équipées de capteurs implantables qui mesurent en continu la pression artérielle et la fréquence cardiaque, avant, pendant et après le vol. Ce suivi permanent, rendu possible grâce à un système de télémétrie adapté par le CNES pour être fonctionnel dans l’espace et compatible avec le biosatellite, est une première mondiale. Si les capteurs implantés reprennent un système commercial couramment utilisé en recherche, il a fallu reconcevoir complètement le récepteur des signaux de pression artérielle et l’enregistrement pour recevoir des mesures en continu pendant toute la mission.

Les rythmes jour-nuit seront-ils conservés ?

« Pour la première fois au monde, des mesures continues de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque seront effectuées avant, pendant et après un vol dans l’espace » se félicite le Dr Marc-Antoine Custaud du Laboratoire de Biologie Neuro-Vasculaire de l’Université d’Angers. La structure apporte un support scientifique et a accompagné le développement du projet. Le laboratoire exploitera également les données issues de l’expérience.


Cette étude dynamique des paramètres cardio-vasculaires fournira des données scientifiques uniques pour mieux comprendre l’adaptation du système cardio-vasculaire pendant les différentes phases d’un vol spatial, en particulier lors du séjour en microgravité mais aussi lors des phases de décollage et du retour sur terre.

Les précédentes études faites dans des biosatellites ont surtout observé les conséquences du vol spatial sur les structures des tissus (osseux, cardiaques, vasculaire…). Les données fonctionnelles obtenues maintenant contribueront à mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les modifications structurelles constatées.

De même l’enregistrement continu de ces paramètres vitaux que sont la fréquence cardiaque et la pression artérielle fourniront de précieux renseignements sur les conditions physiologiques des souris dans l’espace : quel est leur niveau d’activité physique ? quel est leur niveau de stress ? est-ce que les rythmes jour-nuit sont conservés ?

Les progrès techniques rendent aujourd’hui possible ce suivi continu grâce à un système miniaturisé, implantable dans la souris, qui communique par radio-fréquence avec un récepteur et un enregistreur. Cette technologie n’était pas possible avec les biosatellites précédents.

L’expérience MTB contribuera à mieux comprendre comment les êtres vivants s’adaptent aux différentes phases d’un vol spatial. Elle fournira des mesures de la pression artérielle qui ne peuvent être faites chez l’homme en continu sur d’aussi longues périodes et de manière simple.

Préparer l'homme à un vol spatial de longue durée

Au-delà d’une meilleure compréhension de la façon dont l’homme s’adapte à la microgravité, cette expérience contribuera à le préparer au mieux à un vol spatial de longue durée, mais également à mieux comprendre les syncopes du sujet âgé et à mieux identifier les sujets à risque. En effet, le traitement des fluctuations de l’ECG et de la pression artérielle est utilisé pour visualiser les tendances de variation de ces deux données pendant un test orthostatique hospitalier et, notamment, d’évaluer la sensibilité du baroréflexe. Ces enregistrements, parfois ambulatoires, ont été rendu possibles grâce à la miniaturisation exigée pour les programmes spatiaux.

En ce qui concerne les études sur les os (L. Vico, unité INSERM St Etienne) et les muscles (S. Blanc, unité CNRS Strasbourg), le vol BION reprend les études physiologiques animales interrompues depuis quelques décennies. Le séjour en microgravité entraîne une décalcification osseuse similaire à l'ostéoporose qui touche les femmes après 50 ans et les hommes après 65 ans, ainsi qu'une fonte musculaire. Des prélèvements musculaires et osseux destinés aux 2 laboratoires français seront donc effectués sur dix autres souris sur le site même de l’atterrissage. Le but est d'utiliser la puissance des techniques d’exploration les plus avancées (protéomique, lipidomique, métabolique) pour déterminer au niveau musculaire et osseux le fonctionnement/malfonctionnement détaillé des réseaux métaboliques et des activités cellulaires en jeu dans les mécanismes d'adaptation à l’espace et comprendre comment ces phénomènes pourraient être inversés. L'exploration osseuse va bénéficier des techniques d'exploration les plus sophistiquées (nanotomographie par rayonnement synchrotron, nanoindentation).

Les objectifs à long terme sont de confronter ces résultats à ceux obtenus chez l'homme lors de simulation d'impesanteur par alitement (Bedrest) et d'ouvrir de nouvelles voies ciblées pour la mise en place de contremesures efficaces (mécanique, nutritionnelle ou pharmacologique) en support à l'exploration planétaire. Ces expériences visent à mieux comprendre les mécanismes intimes de l’ostéoporose et des syndromes métaboliques qui touchent les personnes en surpoids.

Au retour du vol, seront menées des expériences similaires sur des souris dites « synchrones », avec un groupe de 15 souris installées dans des cages identiques à celle du biosatellite, mimant toutes les composantes de celui-ci (température, pression en oxygène et gaz carbonique, décollage, atterrissage), seule la microgravité sera absente : ce qui permettra de déterminer la fonction exacte de l’apesanteur sur les résultats. Un 2e groupe « vivarium » sera composé de souris vivant dans des cages standards.  Enfin, un 3e groupe sera composé de souris centrifugées à 2 g dans la centrifugeuse installée à la faculté de Médecine de St Etienne.

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