8 Octobre 2013

Première observation de panaches d’ozone dans la très basse troposphère à partir de données satellitaires

Pour la première fois, grâce à une nouvelle méthode reposant sur la synergie des mesures des sondeurs IASI dans l’infrarouge et GOME-2 dans l’ultraviolet, des panaches d’ozone situés dans la très basse troposphère (au-dessous de 3 km d’altitude) ont pu être observés et leur contenu en ozone estimé à l’aide uniquement de données spatiales.

 

Cette méthode inédite a été développée par des chercheurs du Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (LISA/IPSL, CNRS / UPEC / Université Paris Diderot), en collaboration avec le Harvard-Smithsonian center for astrophysics (Etats-Unis), le Karlsruhe Institut für Technologie (Allemagne) et de la Chinese academy of sciences (Chine).

Cette avancée majeure va permettre d’améliorer la caractérisation et la prévision de la qualité de l’air aux échelles régionales et globales.

La pollution à l’ozone troposphérique est au cœur des préoccupations de notre société. De part son pouvoir oxydant, l’ozone troposphérique est en effet l’un des polluants les plus néfastes pour la santé des populations et des écosystèmes : en concentrations élevées, il aggrave les maladies respiratoires et réduit la croissance et donc la capacité des écosystèmes à capturer le dioxyde de carbone.

Les systèmes actuels de surveillance de la qualité de l’air s’appuient sur des modèles de prévision de la composition atmosphérique, des observations in situ en surface (réseaux de stations au sol) et des mesures satellitaires. L’intégration et la synergie adéquate de ces trois approches est l’enjeu premier du programme européen de grande envergure Copernicus/MACC-II (European earth observation programme) ainsi que de sa mise en œuvre sur des systèmes opérationnels de surveillance de la qualité de l’air, tels que la plate-forme française PREV’Air.

Parmi les moyens de surveillance de la qualité de l’air, seule l’observation satellitaire permet, grâce à sa large couverture spatiale, de suivre le développement et le transport des épisodes de pollution aux échelles régionale et globale. Cependant, utiliser les observations satellitaires pour mesurer l’ozone troposphérique est un défi car ces observations intègrent l’information du contenu total en ozone de la colonne d’air et qu’environ 90 % de l’ozone se trouve dans la stratosphère.

Les approches utilisées jusqu’à présent pour estimer les très faibles pourcentages d’ozone troposphérique consistaient à analyser le rayonnement provenant de la Terre ou réfléchi par elle dans un seul domaine spectral : soit l’infrarouge thermique, en utilisant notamment les mesures du sondeur français IASI (Infrared atmospheric sounding interferometer) développé par le CNES, soit l’ultraviolet, à l’aide par exemple des mesures du capteur GOME-2 (Global ozone monitoring experiment-2), ces deux instruments étant embarqués sur la série des satellites MetOp (en orbite depuis 2006 avec MetOp-A, 2012 avec MetOp-B et prévue jusqu’en 2022 avec MetOp-C). Cependant, ces méthodes montrent une incapacité à mesurer l’ozone dans la très basse troposphère (entre la surface et 3 km d’altitude). Seules les couches situées entre 3 et 4 km d’altitude ont pu être mesurées, notamment, dans le cas du sondeur IASI, à l’aide d’une méthode mise au point au LISA (communiqués de presse du 30-10-2008 et nouvelle du 07-06-2010).

Répartition spatiale de l’ozone dans la très basse troposphère au-dessus de l’Europe (concentrations intégrées entre la surface et 3 km d’altitude au-dessus de la mer) le 19 août 2009, issue des observations satellitaires par synergie multispectrale des mesures de sondeurs IASI dans l’IR et GOME-2 dans l’UV (à gauche) et des simulations du modèle CHIMERE ramenées à la résolution spatiale des observations satellitaires (à droite). Les zones blanches correspondent aux zones nuageuses. © LISA

Afin de mieux observer la pollution à l’ozone, une méthode multispectrale inédite a été développée et mise au point par une équipe de chercheurs français (LISA), en collaboration avec des chercheurs américains, allemands et chinois. Cette approche novatrice combine simultanément les informations fournies par les mesures de IASI dans l’infrarouge (pour des pixels de 12 km de diamètre et distants de 25 km, au nadir) et celles mesurés de manière co-localisée par GOME-2 dans l’ultraviolet (avec une couverture globale journalière pour les deux sondeurs).

Cette approche a été utilisée pour étudier un épisode de pollution à l’ozone que l’Europe a connu durant l’été 2009. Ces mesures multispectrales sont en très bon accord quantitatif avec les simulations du modèle de chimie et transport CHIMERE mis en œuvre au LISA, tant pour des panaches d’ozone atteignant 3 ou 4 km d’altitude (comme sur la France et l’Atlantique) que pour ceux situés uniquement au-dessous de 3 km d’altitude (comme sur l’Autriche et la Pologne). La comparaison de ces mesures avec des mesures in situ, réalisées durant l’été 2009 à l’aide de sondes d’ozone (sous ballons se déplaçant entre 0 et 30 km d’altitude), indique en outre qu’elles ont une bonne précision et un biais moyen négligeable. Ces premiers résultats montrent la capacité unique de cette approche à mesurer les concentrations d’ozone entre 2 et 2,5 km d’altitude, avec une sensibilité d’au moins 40 % supérieure à celle atteinte par les méthodes utilisant une seule bande spectrale et donc un seul instrument.

Cette nouvelle méthode constitue une avancée majeure pour la télédétection spatiale de l’ozone dans la très basse troposphère. La plupart des satellites actuels (comme MetOp) et futurs(1) embarquant simultanément à leur bord des capteurs infrarouge et ultraviolet, elle va pouvoir être mise à profit pour améliorer la caractérisation régionale et globale de la pollution à l’ozone ainsi que pour corriger, via l’assimilation de données, les modèles de surveillance et prévision de la qualité de l’air. L’utilisation opérationnelle de ces nouvelles observations multispectrales de l'ozone pour la surveillance de la qualité de l'air est en outre à l’étude dans le cadre du programme ADONISS (Assimilation de données de qualité de l'air in situ et satellite pour les services GMES Atmosphère) (2).

Ces travaux de développement méthodologique innovant ont bénéficié du soutien financier du CNES, de l’UPEC et du CNRS, ainsi que de la mise à disposition des données de EUMETSAT par le pôle thématique ETHER (CNRS-INSU et CNES) et le portail NOAA CLASS.

(1) C’est le cas des satellites défilants européens EPS-SG (EUMETSAT polar system - second generation) qui embarqueront les capteurs de nouvelle génération IASI-NG et UVNS (lancement du premier satellite prévu en 2020), du satellite géostationnaire européen MTG-S (Meteosat third generation sounder) qui embarquera IRS et UVN (lancement prévu à partir de 2019) et dont le champ de vue sera focalisé sur l’Europe, et du satellite américain GEO-CAPE (Geostationary coastal and air pollution events) dont le lancement est prévu pour 2020.

(2) Financé par le programme GMES du ministère du Développement durable (GMES-MDD), ADONISS est un programme préparatoire pour l'utilisation opérationnelle des observations innovantes de l'ozone troposphérique et notamment celle issues d'IASI et de la nouvelle synergie multispectrale de IASI et GOME-2. Ce projet est mis en œuvre par un consortium constitué de l'INERIS, du LISA, du CERFACS et du CNRM-GAME.

Références de l'article

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Cuesta, J., Eremenko, M., Liu, X., Dufour, G., Cai, Z., Höpfner, M., von Clarmann, T., Sellitto, P., Foret, G., Gaubert, B., Beekmann, M., Orphal, J., Chance, K., Spurr, R., and Flaud, J.-M.: Satellite observation of lowermost tropospheric ozone by multispectral synergism of IASI thermal infrared and GOME-2 ultraviolet measurements over Europe, Atmos. Chem. Phys., 13, 9675-9693, doi:10.5194/acp-13-9675-2013, 2013.

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