20 Janvier 2014

Premier suivi des pics de pollution en Chine par satellite infrarouge

Des panaches de plusieurs polluants d’origine anthropique (particules fines et monoxyde de carbone notamment) situés au niveau du sol ont été détectés au-dessus de la Chine pour la première fois depuis l’espace.

Ces travaux ont été effectués par une équipe du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS/IPSL, CNRS / UPMC / UVSQ) en collaboration avec des chercheurs belges et avec le soutien du CNES, à partir des mesures du sondeur infrarouge IASI lancé à bord du satellite MetOp. Leurs résultats inédits sont publiés en ligne sur le site de la revue Geophysical Research Letters le 17 janvier 2014. Ils constituent une avancée majeure afin d’améliorer le suivi de la pollution régionale et l’anticipation d’épisodes de pollution localisés, notamment en Chine.

Malgré les efforts du gouvernement chinois pour réduire les émissions de surface, la Chine est confrontée de manière récurrente à des événements de forte pollution atmosphérique. C’est devenu un véritable enjeu de santé publique, car chaque année, plus de 300 000 décès prématurés en Chine sont dus à la pollution atmosphérique. En janvier 2013, Pékin a fait face à une pollution sans précédent, principalement due à la combinaison de la consommation saisonnière de charbon et de conditions météorologiques défavorables (absence de vent et inversion de température) piégeant les polluants au niveau du sol. Dans de nombreuses régions, les concentrations atmosphériques des particules fines (PM) ont atteint des valeurs considérées comme nuisibles pour la santé humaine, dépassant près de 40 fois le seuil préconisé par l’Organisation mondiale de la santé sur une journée (25 µg/m3).

Pollution en Chine vue par IASI sur MODIS
Pollution en Chine vue par IASI sur MODIS

Images obtenues à partir de l’instrument satellitaire MODIS montrant Pékin et les villes alentour non affectées par la pollution (gauche) et plongées dans un épais nuage de pollution (droite). © NASA

Afin de suivre la pollution locale et régionale, la Chine possède un réseau de surveillance de la qualité de l’air fournissant en continu des mesures de polluants clés incluant les PM, le monoxyde de carbone (CO) et le dioxyde de souffre (SO2). Cependant la répartition géographique des stations de mesure est sporadique, ce qui rend difficile la prévision des développements d’épisodes de pollution.

Dans ce contexte, les observations satellitaires s’avèrent très précieuses en raison de leurs excellentes couverture géographique et résolution horizontale. Mais ces mesures présentent l’inconvénient d’être surtout sensibles entre 3 et 10 km d’altitude. Déterminer la composition de l’atmosphère à proximité du sol restait jusqu’à présent compliqué avec des satellites

Pollution en Chine par Iasi sur Modis
Pollution en Chine par Iasi sur Modis
Indice de la pollution de l’air entre décembre 2012 et janvier 2013 dans plusieurs villes industrielles hautement urbanisées (rose-violet-rouge) et des villes non affectées (vert) par la pollution, situées dans la plaine de la Chine du Nord. Cet indice est déterminé à partir des niveaux de pollution mesurés au cours de la journée et intègre les principaux polluants atmosphériques : dioxyde de souffre (SO2), dioxyde d’azote (NO2), particules fines, ozone (O3) et monoxyde de carbone (CO). © Anne Boynard, LATMOS/IPSL

Les chercheurs ont mis en évidence que le sondeur IASI était, contre toute attente, capable de détecter des panaches de polluants même tout près du sol, sous réserve de réunir deux paramètres : les conditions météorologiques doivent être stables, ce qui favorise l’accumulation de polluants au niveau du sol et il faut une différence de température importante entre le sol et l’air juste au-dessus de la surface terrestre. IASI a ainsi mesuré en janvier 2013 au-dessus de Pékin et des villes alentour des concentrations très élevées de polluants d’origine anthropique tels que le CO et le SO2, l’ammoniac (NH3) et des aérosols de sulfate d’ammonium. Le sondeur infrarouge IASI s’avère donc adapté à la surveillance de ces polluants dans de telles conditions.

Distributions spatiales du CO et du SO2 mesurées par le sondeur IASI/MetOp le 12 janvier 2013 au-dessus de la Chine. Du bleu au rouge, les couleurs indiquent des concentrations de polluants de plus en plus fortes. Les zones blanches correspondent à des nuages ou à l'absence de données. © Anne Boynard, LATMOS/IPSL

Ces travaux constituent une avancée majeure pour la surveillance de la pollution depuis l’espace. Avec le lancement de IASI-B, deux sondeurs IASI peuvent désormais récolter des informations infrarouge depuis l’espace.

Depuis fin janvier 2013, deux fois plus de données sont ainsi disponibles. Il sera dorénavant possible de surveiller plus précisément et plus régulièrement les épisodes de pollution associés à des conditions météorologiques stables. Ces travaux ouvrent des perspectives inédites pour mieux évaluer et gérer la qualité de l’air.

Références de l'article

First simultaneous space measurements of atmospheric pollutants in the boundary layer from IASI: a case study in the North China Plain, Anne Boynard, Cathy Clerbaux, Lieven Clarisse, Sarah Safieddine, Matthieu Pommier, Martin Van Damme, Sophie Bauduin, Charlotte Oudot, Juliette Hadji-Lazaro, Daniel Hurtmans and Pierre-Francois Coheur, Geophys. Res. Lett., en ligne le 17 janvier 2014.

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