Combinant 145 jours de mesures obtenues par le satellite CoRoT du CNES, à celles du spectrographe HARPS de l’ESO, une équipe internationale vient de découvrir une nouvelle planète –CoRoT-9 b– dans la constellation du Serpent, à quelques 1 500 années lumière de la Terre.
Une planète en transit

Un "exo-Jupiter" tempéré
Jusqu'à présent, toutes les planètes en transit se trouvaient (du moins pendant une partie de leur orbite) tellement près de leur étoile que leur température dépassait 1300 degrés Celsius. C'est pourquoi elles sont qualifiées de chaudes. Corot-9 b a une masse de 0,8 masse jovienne et un rayon de 1,05 fois celui de Jupiter. Ces valeurs n'ont rien d'exceptionnel, mais ce qui rend cette planète remarquable c'est qu'elle orbite 10 fois plus loin de son étoile que les « Jupiters chauds » détectés à ce jour.
CoRoT-9 b a une période orbitale de 95 jours1 sur une orbite très légèrement elliptique, elle doit donc se trouver à une distance d'environ 0,4 unité astronomique de son étoile, soit environ la distance de Mercure au Soleil (l'unité astronomique est la distance Terre-Soleil). Cette planète est chauffée par la lumière de son étoile. Celle-ci étant légèrement moins lumineuse que le soleil, CoRoT-9 b doit être légèrement plus froide que Mercure. Sa température exacte dépend de son pouvoir à absorber le flux lumineux de son étoile. Comme l'orbite est légèrement elliptique (l'excentricité est de 0,1 environ), la température doit varier, selon l'efficacité de son effet de serre, entre -20 et 160 degrés C. "Corot-9 b serait donc la planète géante la plus froide détectée à ce jour par transit" ajoute Claire Moutou du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille. Si cette planète avait un satellite de type Titan ou Encelade et si la fourchette de température se resserrait autour de 0-50 degrés C, celui-ci pourrait éventuellement être contenir de l’eau liquide. De plus, étant constamment assez loin de son étoile, elle ne subit pas de déformation interne due à des effets de marée. Il n'y a donc pas de ce côté de source de chaleur interne, ce qui facilite la construction des modèles pour cette planète.
1 La période totale d'observation de CoRoT pour cette étoile a été de 145 jours. Avec une période orbitale de 95 jours pour CoRoT-9 b, le satellite n'a pu observer que 2 transits de la planète devant son étoile.
Parmi les quelques 430 exoplanètes découvertes à ce jour, 8 par le satellite CoRoT (plusieurs sont en cours de publication), environ 70 seulement sont « en transit » devant leur étoile. L'intérêt scientifique de ces transits, c’est qu’ils rendent observables, par spectroscopie, les raies moléculaires de l’atmosphère de la planète. Il est donc possible de savoir quelles molécules sont présentes dans cette atmosphère et en quelle quantité. L’astrophysicien Tristan Guillot, du laboratoire Cassiopée (Observatoire de la Côte d’Azur) indique que, « selon des modèles d’évolution planétaire similaires à ceux des planète géantes de notre système solaire, Corot-9 b est composée majoritairement d’hydrogène et d’hélium mais elle peut contenir jusqu’à 20 masses terrestres d’autres éléments, dont de l’eau et des roches à haute pression et haute température. »
Exo-planétologie comparée
Corot-9 b ouvre la voie à l’étude d’un nouveau régime de températures intermédiaire entre celui des Jupiters chauds dont la température avoisine les 1000 degrés C et de notre Jupiter dont la température est de -100 degrés C environ. Quelques dizaines de Jupiters « tempérés » sont déjà connus mais c'est le premier observé en transit devant son étoile. Des analyses spectroscopiques ultérieures pourront donc avoir lieu dans des conditions thermiques inexplorées à ce jour. Les « équilibres chimiques » de l'atmosphère des planètes pourront être observés : par exemple l'abondance de dioxyde de carbone par rapport à celle du méthane et la manière dont ces équilibres varient en fonction de la température des exo-planètes étudiées pourra être étudiée. Des molécules stables à la température de CoRoT-9 b mais instables à la température des Jupiters chauds pourront également être détectées.
Après une période de statistique des observations, l’ère de l’exo-planétologie comparée semble désormais bien ouverte et on peut parier qu’elle ménagera de nouvelles surprises. On peut compter pour cela, du côté européen, sur les observations au sol de la caméra Sphere installée sur le Very Large Telescope européen au Chili et sur le futur Extremely Large Telescope européen mais aussi sur Gaia et le James Webb Space Telescope dans l'espace.

CoRoT dont le nom signifie « Convection, Rotation & Transits planétaires », a deux objectifs scientifiques principaux :
- la recherche d'exoplanètes et en particulier de planètes analogues à notre Terre
- la détection des vibrations des étoiles afin de sonder leur constitution (sismologie stellaire).
La collaboration sur CoRoT et les contributions françaises
Le satellite, en orbite autour de la Terre, comprend un télescope qui permet de détecter pendant de longues durées de très faibles variations d’éclat des étoiles. Il a été lancé le 27 décembre 2006, et la durée prévue de la mission était initialement de 3 ans. Le CNES, en accord avec ses partenaires nationaux (CNRS-INSU et Observatoire de Paris) et internationaux (Autriche, Allemagne, Belgique, Brésil, ESA, Espagne), a prolongé les opérations du satellite CoRoT jusqu'au 31 mars 2013.
Le satellite CoRoT a été développé et est exploité par le CNES et des laboratoires associés du CNRS-INSU dont les principales équipes appartiennent
- au Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique (CNRS, Observatoire de Paris, Université Pierre et Marie Curie, Université Denis Diderot),
- au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (CNRS, Université Aix-Marseille 1, Observatoire Astronomique de Marseille Provence, OSU/INSU),
- à l’Institut d’Astrophysique Spatiale à Orsay (CNRS, Université Paris-Sud 11, OSU/INSU), à Institut d'Astrophysique de Paris (CNRS, Université Pierre et Marie Curie, OSU/INSU),
- au Laboratoire Cassiopée Astrophysique, sciences mécaniques et analyse des données (Observatoire de la Côte d'Azur, OSU/INSU, CNRS, Université de Nice Sophia-Antipolis),
- à l’Observatoire Midi Pyrénées à Toulouse (Observatoire des Sciences de l’Univers du CNRS-INSU et de l’Université Paul Sabatier).
Le projet a également bénéficié d’une importante participation européenne (Allemagne, Autriche, Belgique, ESA et Espagne) complétée par celle du Brésil.
Le programme exo-planète de CoRoT bénéficie de l’appui de plusieurs télescopes terrestres, avec en particulier pour CoRoT-9b :
- IAC-80 de l'Observatoire du Teide (Espagne)
- l'Observatoire Wise (Israël)
- le Télescope Faulkes North de l'Observatoire Las Cumbres (Global Telescope Network, USA)
- le télescope 1,93m de l’Observatoire de Haute Provence (France) avec l’instrument SOPHIE
- le télescope de 3,6m de l’ESO (Chili) équipé du spectrographe HARPS
- et le Very Large Telescope de l’ESO avec le spectrographe UVES.
Références de l'article
Contacts
- Contacts scientifiques : Claire Moutou, Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM) 38 rue Frédéric Joliot-Curie 13388 MARSEILLE CEDEX (France)
- Responsable de la thématique astrophysique : Olivier La Marle