2 Janvier 2012

1997 : naissance du projet Pharao pour mesurer le temps

Pharao (Projet d’Horloge à Refroidissement d’Atomes en Orbite) mesurera le temps avec des performances de stabilité et d'exactitude telles que les scientifiques pourront tester la théorie de la relativité générale avec une précision jamais égalée.
L'horloge atomique Pharao

50 ans de résultats scientifiques

1997 : naissance du projet Pharao pour mesurer le temps.


Le temps est mesuré grâce à un phénomène périodique tel que l’oscillation d’un pendule. Depuis 1967 c’est au rythme des atomes qu’il bat : la seconde est définie comme la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à une transition entre deux niveaux d’énergie de l’atome de césium 133.

Les atomes changent de niveau d’énergie lorsqu’ils traversent une cavité micro-onde qui les fait résonner, en subissant une transition dite de structure hyperfine. Le phénomène quantique utilisé, l’absorption ou l’émission de photons correspondant à ce changement d’énergie, fournit une fréquence plus précise et plus stable que tous les autres phénomènes connus et donne le LA ou plutôt le TAI, Temps Atomique International. Les meilleures horloges à ce jour sont bâties sur ce principe et utilisent différents types d’atomes.

Encore faut-il que les atomes ne soient pas perturbés par leur environnement. Patience et longueur de temps, toutes les sources d’erreur doivent être minutieusement traquées.

Il a fallu en particulier abriter les atomes derrière un blindage magnétique, abaisser la pression du gaz jusqu’à l’ultra vide pour éviter les collisions, et plus difficile encore, ralentir au maximum les atomes. Pour cela, la lumière laser a été utilisée afin de refroidir les atomes jusqu’à une température proche du zéro absolu . Le temps d’interrogation des atomes dans la cavité a pu alors augmenter d'au moins deux ordres de grandeur.

Mais, avec des vitesses aussi faibles, les atomes tombent sous l'effet de la gravité !

Qu’à cela ne tienne, les scientifiques en ont profité pour les lancer vers le haut et les laisser retomber sous leur propre poids, fabriquant ainsi une « fontaine atomique » qui a encore augmenté la durée d’interrogation des atomes, grâce à un aller et un retour.

Nous en étions là dans les années 1990, avec la première fontaine atomique au césium mise au point à l’Observatoire de Paris. Cette fontaine présentait une exactitude et une stabilité environ dix fois meilleures que toutes les horloges déjà construites. C’était du jamais vu et pourtant l’histoire ne faisait que commencer !

Pour vous affranchir définitivement des effets de la gravité, à quoi penseriez-vous ? Les scientifiques ont proposé de placer une telle horloge à atomes de césium refroidis par laser en orbite autour de la Terre, en chute libre. Tout simplement mais pas si simple ! Il fallait d’abord être capable de réduire considérablement les dimensions de l’horloge, de rendre son fonctionnement plus robuste et adapté à l’absence de pesanteur.

C’est ainsi qu’en 1993 le CNES parraine ce projet d’horloge spatiale. L’avion en vol parabolique opéré par Novespace pour le compte du CNES était tout désigné pour effectuer les essais de conception préliminaires. 

La conception de l'instrument est validée

En 1992, dans la Caravelle-0g, les méthodes de piégeage et de refroidissement des atomes avaient déjà pu être vérifiées. Puis en 1997 dans l’Airbus-0g, le prototype complet de l’horloge fournit les signaux attendus, validant ainsi la conception de l’instrument.

C’est ainsi qu’en 1997 le projet d’horloge spatiale Pharao proposé au CNES et à l’ESA par le laboratoire Kastler Brossel de l’Ecole Normale Supérieure et le laboratoire Syrte de l’Observatoire de Paris voit le jour.

Associée à un maser à hydrogène, l’horloge Pharao sera embarquée dans l’ensemble européen Aces (Atomic Clock Ensemble in Space) à l’extérieur de la Station spatiale internationale.

Grâce à l’émission et à la réception de signaux micro-ondes et optiques, le temps mesuré par ACES qui défile à 400km d’altitude au-dessus de la Terre sera comparé aux temps des meilleures horloges atomiques au sol, réparties en différents points.

Dédions ce projet à Albert Einstein, grand amateur d’horloges et de trains en mouvement (aujourd’hui de satellites?), qui bouleversa notre conception de l’espace et du temps. En 1905 dans sa théorie de la relativité restreinte, il abolit la notion de temps absolu et réunit l’espace et le temps pour n’en faire plus qu’un seul espace-temps, à 4 dimensions. En 1915 dans sa théorie de la relativité générale, il identifie la gravitation avec la géométrie de cet espace-temps.

Depuis, la relativité générale a été mise à l’épreuve grâce à de nombreux tests d’horloges ou de mouvements de masses en chute libre et elle est entrée dans la vie quotidienne puisque les horloges de GPS et bientôt celles de Galileo sont corrigées des effets relativistes. Mais elle se heurte à une autre théorie révolutionnaire du 20ème siècle qui décrit l’univers de façon quantique, avec laquelle elle n’est pas compatible. Elle est également confrontée à l’observation de composantes nouvelles de l’univers de nature inconnue, matière noire et énergie noire, qui pourrait provenir d’anomalies des lois de la gravitation aux très grandes échelles galactiques et cosmiques.

C’est pourquoi les scientifiques cherchent à nouveau à tester la théorie de la relativité générale avec une précision accrue et bâtissent de nouvelles représentations du monde en introduisant de nouvelles dimensions, particules, symétries…Ces théories, telle que la théorie des cordes, prédisent des effets tellement infimes qu’ils n’ont pu être mesurés à ce jour, par exemple une variation des constantes de la physique.

L’horloge Pharao, avec une stabilité relative de fréquence d’une partie sur dix millions de milliards (10-16) sur une durée de quelques jours, devrait avant la fin de la décennie gagner un facteur 30 sur le test de l’effet Einstein (ou décalage gravitationnel de la fréquence encore appelé redshift en anglais) et un facteur 50 sur le test d’une éventuelle variation de la constante de structure fine.

Outre ces tests de physique fondamentale, la caractérisation de l’espace-temps à des niveaux aussi fins ouvrent des perspectives en géodésie et dans le domaine de la navigation.

Pharao pourrait bien faire des petits pour les générations à venir. Notamment si le projet STE-QUEST, présélectionné comme mission moyenne du programme européen Cosmic Vision était retenu.

Référence de l'article

A cold atom clock in absence of gravity, Ph. Laurent1, P. Lemonde1, E. Simon1, G. Santarelli1, A. Clairon1, N. Dimarcq2, P. Petit2, C. Audoin2, C. Salomon3, Eur. Phys. J. D 3, 1998, 201-204

1 BNM-LPTF, 61 avenue de l'Observatoire, 75014 Paris, France
2 Laboratoire de l'Horloge Atomique, Bâtiment 221, Université Paris-sud, 91405 Orsay, France
3 Laboratoire Kastler Brossel, Département de Physique de l'École Normale Supérieure, 24 rue Lhomond, 75231 Paris, France

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