30 Janvier 2012

2011 : HERSCHEL étudie la formation des étoiles à la loupe

Herschel est le premier observatoire spatial dans le domaine des ondes submillimétriques.
Le miroir du télescope Herschel

50 ans de résultats scientifiques

2011 : Herschel étudie la formation des étoiles à la loupe.

Un observatoire original

Dans la gamme spectrale des ondes submillimétriques (55-262 microns),  l’émission des nuages de poussières qui baignent les galaxies et celle des « cœurs froids » est maximale.  Les « cœurs froids » sont des nuages de poussières et de gaz, en cours d’effondrement sur eux-mêmes par gravitation, et dont les plus gros donneront naissance à des étoiles. La température de ces objets, qui peut descendre à 10K, est l’une des raisons pour lesquelles Herschel est aussi appelé l’observatoire de l’Univers froid.

Herschel comporte un miroir de 3,5 m –un record dans l’espace– alimentant trois :

  • le spectromètre à très haute résolution HIFI
  • et les imageurs PACS et SPIRE.

Ces derniers produisent des images d’une résolution sans précédent dans ce domaine spectral. Cette résolution est à la base d’une découverte-clé.

Un milieu interstellaire indiscernable aux petites échelles...

Avant le lancement d’Herschel, l’aspect filamentaire de la matière qui constitue le milieu interstellaire était déjà connu, grâce à des observations millimétriques ou radio depuis le sol (cf ci-contre) ou avec les observatoires spatiaux dans l’infrarouge tels qu’IRAS, ISO puis Spitzer.

Des phénomènes de turbulence, induits notamment par l’énergie dégagée par les supernovae, étaient soupçonnés d’être à l’origine de ces structures.

Mieux, on avait pu établir que les vitesses mises en jeu dans ces grands nuages interstellaires, supersoniques aux grandes échelles –donc génératrices d’ondes de choc–, diminuaient avec l’échelle de mesure (loi de Larson). Impossible cependant de descendre jusqu’à l’échelle correspondant au diamètre des filaments compte-tenu de la résolution angulaire disponible…

Image Herschel de la région Aquila Rift, ESA/Herschel/SPIRE/PACS/D. Arzoumanian (CEA Saclay) for the “Gould Belt survey” Key Programme Consortium. Les zones bleutées correspondent à la présence de jeunes étoiles très brillantes ; les zones rouges indiquent la présence de nuages de poussières et de gaz chauffés par les étoiles et réémettant dans les longueurs d’onde submillimétriques. Aux petites échelles on distingue nettement la présence de nombreux filaments et de cœurs pré-stellaires le long de certains d'entr'eux Crédit : ESO.

... jusqu'à Herschel

En 2009, dans le cadre du programme Goult Belt Survey, dirigé par le Service d’Astrophysique du CEA, les premières images d’Herschel révèlent la finesse et la richesse de ces structures sur deux régions proches appelées Polaris et Aquila Rift. Polaris est stérile en formation d'étoiles tandis que Aquila Rift est très féconde (cf ci-dessus). Des centaines de cœurs froids sont détectés. Les chercheurs remarquent que la très grande majorité d’entre eux sont disposés le long des filaments les plus denses, à la manière de chapelets. En outre, une très bonne corrélation apparaît entre la distribution en masse des cœurs froids et celle des étoiles. Ceci révèle que les filaments sont le siège de la formation stellaire.

Néanmoins une question demeure : comment se forment-ils, dans des milieux immenses où la densité moyenne est beaucoup plus faible que celle qui règne dans le vide le plus poussé que l’homme puisse produire sur Terre ?

En 2011, le programme Goult Belt Survey obtient des images Herschel d’une troisième région, IGC5146. Comme sur les deux premières, un réseau de filaments de poussières apparaît nettement. Grâce à la résolution de PACS et SPIRE, il est enfin possible de caractériser le profil radial de l’émission des filaments. L’équipe peut ainsi en déduire la densité par unité de longueur et la largeur de chaque filament de IGC 5146 et applique cette méthode aux images d’Aquila Rift et de Polaris.

Sur cet échantillon de 90 filaments de trois régions très différentes, couvrant trois ordres de grandeur en densité par unité de longueur, et dont certains sont dénués de tout cœur froid alors que d’autres en sont constellés, la largeur du filament est quasiment invariable : 0.1 parsec +/- 0.03, soit 0.3 années-lumières environ. Surpris par ce résultat, les chercheurs s’intéressent à cette valeur « universelle ». Et se penchent sur la loi de Larson, en particulier pour les petites échelles, encore inexploitées. Or cette loi prédit que la vitesse dans les turbulences devient inférieure à la vitesse du son (0.2 km/s dans ces nuages à 10K environ) au-dessous d’une échelle caractéristique de… 0.1 pc, exactement la largeur des filaments !

Les bang soniques à l’origine des étoiles !

Ces observations permettent d’établir un scénario inédit : c’est la transition entre les régimes supersonique et subsonique (les ondes de choc, en se diffusant, perdent de leur énergie) qui créeraient des zones comprimées de l’ordre de 0.1 pc, d’où la présence de filaments de cette largeur uniforme. Un peu comme la largeur du bang d’un avion supersonique… Par la suite, en fonction de leur densité, ces filaments connaitraient des sorts différents : pour les moins denses, pas d’autre évolution (comme dans Polaris) ; pour les plus denses au contraire, accrétion de matière supplémentaire par gravité, puis, au-delà d’une densité critique pour la stabilité gravitationnelle du filament, fragmentation et effondrement des fragments sur eux-mêmes pour donner naissance aux objets pre-stellaires : c’est le cas d’Aquila Rift et d’IGC5146.

Le caractère turbulent aux grandes échelles était connu grâce à des études antérieures, aux petites échelles des modèles prédisaient les conditions de stabilité des filaments en fonction de leur densité. Herschel a apporté le chaînon manquant : le pouvoir de résolution à ces petites échelles.

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