12 Mars 2012

L'évolution chimique de Titan étudiée en laboratoire

Mise à jour : 13/03/2012

Titan, le plus gros satellite de Saturne, est l’objet de nombreuses études car c’est un monde actif, géologiquement et chimiquement parlant. La chimie à l’œuvre dans l’atmosphère et à la surface de Titan semble particulièrement complexe et elle pourrait nous renseigner sur des processus d’évolution des molécules carbonées, dont certaines constituent les briques de base du vivant tel qu’on le connaît sur Terre.

Cette chimie, amorcée dans la haute atmosphère de Titan, donne lieu à une cascade de réactions chimiques produisant des molécules carbonées (hydrocarbures, nitriles etc.) de plus en plus complexes, jusqu’à des particules solides, des aérosols, qui constituent la brume orangée donnant sa couleur caractéristique à Titan.

Des expériences menées sur Terre, en laboratoire, tentent de comprendre ce que deviennent ces aérosols lorsqu’ils se déposent sur sa surface glacée. À l’aide de dispositifs expérimentaux simulant la chimie à l’œuvre dans l’atmosphère, il est possible de synthétiser des analogues d’aérosols de Titan.

Une expérience de ce type menée au LISA (CNRS, Universités Paris-Est et Paris Diderot) et au LGPM (École Centrale de Paris), avec le soutien du CNES et de l’INSU, a permis de produire des analogues d’aérosols et d’étudier leur évolution dans des conditions simulées de la surface ou du sous-sol de Titan.

À la surface de Titan, la température avoisine les -180°C et le sol est constitué de glace d’eau dure comme la roche. Cependant, des études montrent que des réservoirs d’eau liquide sont susceptibles d’exister en sous-surface et des observations de la sonde Cassini-Huygens montreraient des coulées d’eau mélangée à de l’ammoniac, répandues à la surface via des cratères volcaniques.

C’est l’évolution des aérosols de Titan dans ces conditions (eau liquide avec et sans ammoniac) qui a été étudiée par l’équipe du LISA.

Suite à un travail préliminaire mené en 2010 et grâce à la mise en place d’un protocole d’analyse optimisé, une nouvelle étude a permis de préciser les rendements de production d’urée et d’acides aminés lorsque ces aérosols sont au contact de réservoirs d’eau liquide ou d’ammoniaque.

Après 10 semaines d’évolution, les résultats montrent que les rendements mesurés dans l’eau et l’ammoniac, sont de 6 à 12 % pour l’urée et s’échelonnent de 0,001 à 0,4 % pour les acides aminés glycine, alanine, acide aspartique, et l’uracile, une base azotée. Ces résultats indiquent que de tels réservoirs sur Titan peuvent donner lieu à la production de molécules d’intérêt prébiotique comme les acides aminés, qui constituent des briques primordiales de la vie sur Terre. Ils invitent à s’interroger sur une éventuelle complexification ultérieure de la matière organique sur Titan ou dans un potentiel océan sous-terrain.

Références de l'article

O. Poch1, P. Coll1, A. Buch2, S.I. Ramírez3, F. Raulin1, Production yields of organics of astrobiological interest from H2ONH3 hydrolysis of Titan’s tholins Planetary and Space Science 61 (1), 114-123, 2012

1 Laboratoire Inter-universitaire des Systèmes Atmosphériques (LISA), UMR CNRS 7583, Université Paris Est Créteil et Université Paris Diderot, Institut Pierre Simon Laplace, C.M.C., 61 avenue du Général de Gaulle, 94010 Créteil Cédex, France
2 Laboratoire de Génie des Procédés et Matériaux (LGPM), Ecole Centrale Paris, Grande voie des vignes, 92295 Chatenay-Malabry, France
3 Centro de Investigaciones Químicas, Universidad Autónoma del Estado de Morelos, Av. Universidad 1001. Col. Chamilpa, Cuernavaca, Morelos, C.P. 62209, Mexico

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