27 Février 2012

1998 : AMS-01 traque le rayonnement cosmique

Plus la science avance et plus elle s’interroge. La confrontation entre les prédictions des modèles physiques et les résultats de l’expérimentation est permanente.
Image du rayonnement cosmique

50 ans de resultats scientifiques

1998 : AMS-01 traque le rayonnement cosmique



Les expériences atteignent des performances de plus en plus exigeantes et tentent de remettre en question les théories établies. En particulier, la théorie du « big bang » qui décrit l’origine et la formation de l’univers prévoit qu’au tout début de l’univers la matière et l’antimatière étaient présentes en quantité égales, de façon symétrique. Or les expériences réalisées jusqu’à présent excluent une présence notable d’antimatière dans l’amas de galaxies dont nous faisons partie. Mais alors, où est passée l’antimatière ? L’univers est-il constitué exclusivement de matière, ou bien existe-t-il, plutôt hors de notre amas de galaxies, des régions d’antimatière ?

C’est l’une des questions auxquelles s’est attelé le détecteur de particules cosmiques Alpha Magnetic Spectrometer, appelé AMS-01. Pour la première fois, cet instrument de conception semblable à celle des détecteurs de particules utilisés au sol, comme au CERN, a été placé en orbite. A une altitude de l’ordre de 400 km au-dessus de la Terre, à bord de la navette spatiale américaine Discovery du 2 au 12 juin 1998, il a pu enregistrer la trace de millions de particules cosmiques provenant de l’espace galactique.

Le rayonnement cosmique est formé de deux composantes :

  • l’une permanente d’origine galactique, constituée de particules très énergétiques éjectées par des étoiles, des supernovæ ou d’autres sources dont certaines pourraient être inconnues.
  • l’autre plus sporadique liée à l’activité du soleil.

Ces particules sont de différents types, essentiellement des noyaux d’hydrogène (protons) et d'hélium (particules alpha), mais aussi des noyaux plus lourds. Leur vitesse est proche de celle de la lumière. Il est très difficile de les observer directement depuis la Terre car elles interagissent avec l’atmosphère. Des expériences en ballons ont bien été tentées dans les couches supérieures de l'atmosphère (40 km au-dessus de la Terre) mais elles ont montré que le rayonnement cosmique produit des particules secondaires dans toutes les directions lorsqu'il pénètre dans l'atmosphère terrestre.

Le spectromètre magnétique AMS-01 a été conçu pour mesurer les flux de particules cosmiques de tout type, avec une grande précision et une haute statistique, dans un domaine d’énergie élevé (à quelques centaines de giga électron-volts).

Toujours pas d'antimatière mais des résultats inattendus

AMS-01 a réalisé nombre de mesures, en particulier sur les noyaux d’hélium cosmique. L'hélium, après l'hydrogène, est l'élément le plus abondant de l'Univers. Pratiquement tout l'hélium s’est formé lors des premiers instants de l’Univers. Un échantillon d’environ 3 millions de noyaux d'hélium cosmique a été collecté. AMS-01 n’a pas détecté d'antimatière primordiale mais l’expérience a établi une nouvelle limite supérieure du rapport de flux anti-hélium/hélium dans l'Univers, égale à 1,1×10?6.

Les informations collectées par AMS-01 ont eu aussi des répercussions sur la connaissance de notre environnement terrestre. Les particules chargées qui constituent le rayonnement cosmique sont déviées par le champ magnétique de la Terre comme peut l’être l’aiguille d’une boussole.

Si les particules possèdent une énergie supérieure à un certain seuil, appelé coupure géomagnétique, elles traversent la magnétosphère terrestre. Mais si leur énergie n’est pas suffisante, elles ont tendance à suivre les lignes de champ magnétique et atteignent ainsi les pôles.

Pendant sa révolution autour de la Terre, AMS-01 a pu étudié le rayonnement cosmique arrivant à différentes latitudes au voisinage de la Terre. Les mesures ont révélé un comportement inattendu des particules, en particulier dans leur réaction au champ magnétique terrestre en fonction de la latitude.

Contre toute attente, l'expérience a mis en évidence un fort taux de protons dans le domaine d'énergie à l'échelle du GeV, à peu près à toutes les latitudes. Plus surprenant encore, pour les protons de moins de 8 GeV d'énergie, donc en dessous de la coupure géomagnétique dans un arc équatorial s'étendant sur 4 000 km de latitude, à environ 400 km d'altitude, AMS-01 a détecté autant de particules ascendantes (à partir de la Terre) que descendantes, comme si ces particules étaient une population en équilibre, piégée dans le champ magnétique terrestre.

AMS-01 était la première étape pour réaliser une démonstration technologique, rôle qui a été parfaitement rempli puisque l’instrumentation du spectromètre et toutes ses fonctions ont été testées en vol jusqu’à l’acquisition des données. Les conditions physiques de l’expérience ont été évaluées ainsi que la réponse du spectromètre (en particulier à la température, en fonction de l’orientation de la navette).

AMS-02 prend la relève

Depuis, l’instrument AMS-02 encore plus performant et dans un domaine d’énergie plus élevée (TeV, Téra électronvolt) a été lancé par la dernière mission de la navette spatiale américaine Endeavour le 16 mai 2011 et a été installé pour de longues années sur la Station Spatiale Internationale.

Assemblage de l’aimant de AMS-02 (crédit ESA)

AMS-02 rassemble une collaboration internationale de près de 600 chercheurs. L’instrument a été principalement assemblé au CERN et testé à l’ESA au centre technique ESTEC. La France a joué un rôle majeur dans la conception et la réalisation de plusieurs parties de l’instrument, à travers quatre laboratoires du CNRS :

  • le LAPP à Annecy-le-Vieux (CNRS - Université de Savoie) pour le calorimètre électromagnétique
  • le LPSC à Grenoble (CNRS - Université Joseph Fourier) pour le détecteur Cerenkov à imagerie annulaire, 
  • le LUPM à Montpellier (CNRS - Université Montpellier 2) pour la responsabilité du système GPS spatial,
  • le Centre de Calcul de l’IN2P3 du CNRS, qui a fourni une bonne partie des ressources informatiques pour la simulation de l’expérience et la préparation de la physique.

AMS-02 continuera à traquer l’antimatière et cherchera à percer le mystère de la matière noire, une composante invisible de notre Univers qui représenterait environ 80% de sa masse totale. Si cette matière noire était composée de nouvelles particules, AMS pourrait la détecter de manière indirecte en enregistrant une anomalie dans le flux de rayons cosmiques. De façon moins spéculative, l’expérience ouvrira une nouvelle fenêtre sur l’Univers en donnant une carte du ciel dans le domaine du rayonnement cosmique, complémentaire de la lumière que reçoivent les télescopes.

Contacts

  • Responsable de la thématique physique fondamentale : Sylvie Léon

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