15 Septembre 2020

Eclairs inattendus sur Jupiter

La sonde Juno a découvert un nouveau type d’éclairs dans l’atmosphère de Jupiter. Une série de 3 articles publiés dans Nature et JGR Planets présente cette découverte avec des implications quant à la météorologie des planètes et exoplanètes gazeuses.
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Représentation d’artiste de l’atmosphère de Jupiter avec 2 types d’éclairs représentés : en jaune/orange, les éclairs nouvellement détectés ; en blanc/bleu, les éclairs plus profonds déjà connus. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS/Gerald Eichstädt.

 

En orbite autour de Jupiter depuis juillet 2016, la sonde Juno a repéré des éclairs inattendus très haut dans l'atmosphère de la géante gazeuse, à environ 15 km de profondeur, là où les températures sont inférieures à  -66 °C. Or sur Jupiter, comme sur Terre, la présence d’eau à l’état liquide est cruciale pour la formation d’éclairs. Les éclairs observés par les précédentes missions sont ainsi situés à environ 50 km de profondeur là où la température avoisine 0 °C et est compatible avec la présence d'eau liquide.

Comment  expliquer ces nouveaux éclairs ? 

« Nous pensons que ces éclairs sont liés à l'effet antigel de l'ammoniac gazeux. Lorsque les orages en profondeur sont suffisamment intenses, ils apportent des cristaux de glace dans la haute atmosphère de Jupiter. Ces cristaux interagissent alors avec l’ammoniac gazeux qui change la glace en eau liquide. Mais en montant encore plus haut, l'eau liquide se resolidifie, entourant parfois des molécules d'ammoniac pour former des grêlons d’ammoniaque. A un moment donné, ces grêlons devenus trop lourds et tombent dans l’atmosphère, jusqu’à plus de 70 km de profondeur, où ils finissent par s’évaporer » explique Tristan Guillot, chercheur au laboratoire Lagrange, co-auteur de l’article publié dans Nature le 5 août 2020 et 1er auteur des 2 articles parus dans JGR Planets.

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Formation supposée de grêlons d’ammoniaque dans la haute atmosphère de Jupiter. Les éclairs observés par Juno résulteraient des collisions entre particules de différentes tailles, dont des grêlons d’ammoniaque partiellement liquides, ce qui génèrerait des transfert de charges électrostatiques et des différences de potentiel nécessaires à la formation d’éclairs.  Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI/CNRS.

un Mystère de résolu

Cette chute en profondeur de grêlons d’ammoniaque lèverait le voile sur l’un des mystères de l’atmosphère de Jupiter observé par le radiomètre micro-onde de Juno, à savoir l’existence de zones de faible abondance en ammoniac gazeux, parfois jusqu’à de grandes profondeurs (jusqu’à 150 km de profondeur ou plus). Pour aller plus loin et réellement comprendre jusqu’à quelles profondeurs peuvent être transportées l’eau et l’ammoniac dans Jupiter, de nouveaux modèles de la météorologie des exoplanètes gazeuses sont à explorer.

« Uranus et Nepture, encore inexplorées par des sondes en orbite, contiennent des nuages de méthane abondants dont les caractéristiques sont très similaires à ceux des nuages d’eau de Jupiter et Saturne. A la différence de ces derniers, cachés dans l’atmosphère profonde, ces nuages de méthanes sont facilement observables. Uranus et Neptune pourraient fournir les clés pour comprendre les atmosphères des planètes d’hydrogène, depuis celle de Jupiter jusqu’aux exoplanètes gazeuses au-delà de notre système solaire » s'enthousiasme Tristan Guillot.

La sonde Juno devant Jupiter. Crédits : NASA/JPL-Caltech. 

Tristan Guillot reçoit un soutien du CNES pour sa participation à la mission Juno. Crédits : Luc Josia-Albertini / Ville de Nice.  

Eclairs repérés par une caméra de Juno en février 2018. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI. 

Abondance d’ammoniac dans l’atmosphère de Jupiter mesurée par le radiomètre micro-onde de Juno. Contrairement à ce qui était supposé, cette abondance n'est pas homogène sous la surface. C'est une des surprises de la mission Juno. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI.

Plongée dans un « cumulonimbus » jovien avec les nouveaux éclairs identifiés par Juno. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS/Kevin M. Gill Music: Vangelis Animation: Koji Kuramura.

références

Contacts

  • Tristan Guillot, chercheur CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur, tristan.guillot at oca.eu 
  • Francis Rocard, responsable du programme Système solaire au CNES, francis.rocard at cnes.fr